Doctrine et analyses
Comptes rendus

Chine - Les Semelles rouges parviennent à s'imposer

PIBD 1135-II-1

d’après l’article de Jian Xu1 : The Power of the red sole, in IPM, mars 2020

Texte

Depuis 2010, le chausseur Christian Louboutin essaie d’obtenir l’enregistrement de ses fameuses semelles rouges comme marque en Chine2. Il vient de marquer un point avec un arrêt de la Cour suprême3 dont Jian Xu tire les enseignements.

Marque représentant une semelle rouge déposée par Christian Louboutin
Marque internationale n ° 1 031 242 désignant la Chine


La Cour a estimé que la marque du créateur français consistait en la combinaison de la couleur rouge et de la position de celle-ci. Elle a précisé que ces éléments n’étaient pas expressément mentionnés à l’article 8 de la loi mais qu'ils n’étaient pas non plus expressément exclus de son champ d’application. Elle a donc jugé qu’il s’agissait d’un signe susceptible de constituer une marque. Sur la question du caractère distinctif, elle a renvoyé l’affaire devant l’Office.

Dans sa saisine de la Cour suprême, l’Office a fait valoir que le signe n’était pas susceptible de constituer une marque, et, subsidiairement, qu’il était dépourvu de caractère distinctif intrinsèque ou acquis par l’usage. Les arguments de la maison Louboutin étaient les suivants : la marque n’est pas uniquement constituée d’une couleur en tant que telle mais d’une couleur et de sa position ; l’article 8 n’exclut pas la protection de la combinaison position/couleur ; les semelles rouges remplissent la fonction d’indication d’origine, elles sont donc intrinsèquement distinctives ; elles ne sont pas nécessaires à une fonction technique du produit, ne lui donnent pas une valeur substantielle, et les accepter à l’enregistrement n’affectera pas la concurrence sur le marché concerné.

Si les signes consistant exclusivement en une couleur en tant que telle sont exclus de la protection en Chine, la situation était jusque-là plus ambiguë concernant les marques de position. Pour l’auteur, l’arrêt de la Cour suprême clarifie les choses et renforce leur intérêt (il songe, par exemple, à une couleur appliquée sur une pièce particulière des vélos partagés omniprésents dans les rues chinoises). Jian Xu se félicite en outre de l’interprétation libérale de la notion de signe susceptible de constituer une marque : voilà qui devrait favoriser l’essor des marques non conventionnelles.

L’auteur fait observer que, s’il est généralement aisé de déterminer le type de marque en cause, on voit que tel n’est pas le cas ici : au fil des décisions, les semelles rouges ont été considérées successivement comme une marque figurative, puis une marque tridimensionnelle, et enfin une marque consistant en une couleur limitée à une position particulière.

1 Gowling WLG, Pékin.
2 Marque internationale n° 1 031 242, représentée ci-dessus, désignant la Chine.
3 24 décembre 2019.