Action en contrefaçon de la marque de l’UE - Compétence internationale - Droit de l’UE - Portée territoriale des mesures de réparation et d’interdiction
Contrefaçon de droits d’auteur - Identification des produits incriminés
Contrefaçon des marques françaises et de l’UE - Exception de référence nécessaire
Trois sociétés françaises appartenant au même groupe, spécialisé dans la conception, la fabrication et la commercialisation de véhicules porte-voitures, ont assigné une société autrichienne, spécialisée dans la fabrication et la fourniture de pièces détachées à destination des transporteurs de véhicules automobiles, en contrefaçon des marques françaises et de l'Union européenne LOHR, ainsi que, notamment, en contrefaçon de droits d’auteur sur un boîtier de commande et une rampe de chargement pour porte-voiture.
En premier lieu, la société autrichienne, demanderesse au pourvoi, reproche à la cour d’appel d’avoir retenu que le tribunal judiciaire de Paris était compétent pour statuer sur les actes de contrefaçon de la marque de l’Union européenne commis sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne.
Cependant, il résulte de la combinaison de l’article 125, § 4, b) du règlement (UE) n° 2017/1001 et de l’article 26, § 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 que tout tribunal des marques de l'Union européenne, dont la compétence ne résulte pas des paragraphes 1 à 3 de l’article 125, relatifs à certaines règles de principe sur la compétence internationale (tribunal du lieu du domicile du demandeur ou du défendeur…), est néanmoins compétent pour connaître de l'action en contrefaçon portée devant lui lorsque le défendeur comparaît sans contester sa compétence. Selon l’article 126, § 1, a), du règlement (UE) n° 2017/1001, le tribunal est alors compétent pour statuer sur les faits de contrefaçon commis ou menaçant d'être commis sur le territoire de tout État membre.
La cour d’appel a relevé que la société autrichienne avait comparu devant le tribunal judiciaire de Paris, tribunal des marques de l'Union européenne, sans discuter sa compétence et qu'elle soutenait, pour la première fois en appel, que la juridiction française devait se limiter à réparer le préjudice résultant des actes de contrefaçon commis sur le seul territoire français. Il en ressort que les sociétés françaises avaient, dès la première instance, sollicité la réparation du préjudice que leur avaient causé les faits de contrefaçon commis par la société autrichienne sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne, sans que cette dernière ne conteste la compétence du tribunal judiciaire de Paris. La cour d'appel a ainsi exactement retenu la compétence de la juridiction française.
En second lieu, invoquant l’exception de référence nécessaire, la société autrichienne reproche à la cour d’appel d’avoir dit qu'en distribuant et commercialisant des pièces détachées sous le signe verbal « Lohr », elle s’était rendue coupable de contrefaçon de marque. Elle fait également grief à l’arrêt de lui avoir fait interdiction, sous astreinte, d'utiliser le terme « Lohr » à titre de marque pour désigner, promouvoir et commercialiser, exporter, importer et détenir des pièces de rechange pour des porte-voitures, y compris sur les sites internet détenus par elle ou des membres de son réseau de distribution.
Il ressort des articles 14 du règlement (UE) n° 2017/1001 et L. 713-6, I, 3 du CPI que le titulaire d'une marque européenne ou française ne peut interdire à un tiers d'en faire usage, dans la vie des affaires, pour désigner ou mentionner des produits ou des services comme étant ceux du titulaire de cette marque, lorsque l’usage de cette marque est conforme aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale et nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service, notamment en tant qu'accessoire ou pièce détachée.
En prononçant une mesure d’interdiction telle que susvisée, sans émettre une réserve s’agissant de l'usage, dans la vie des affaires, conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale, du signe « Lohr » pour désigner ou mentionner des produits ou des services comme étant ceux du titulaire des marques « Lohr », en particulier lorsque l'usage de ces marques est nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
En l'absence de doute raisonnable sur l'interprétation du droit de l'Union, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles suggérées par la société autrichienne.
Cour de cassation, ch. com., 15 mai 2024, 22/17813 (M20240120 ; LEPI, juill. 2024, p. 6, J.-P. Clavier ; Prop. industr., juill. 2024, p. 31, N. Binctin)
Schneebichler Driving Innovation GmbH c. Lohr Immobilier SASU, Lohr Industrie SASU et Lohr Service SASU
(Cassation partielle sans renvoi CA Paris, pôle 5, 2e ch., 14 janv. 2022, 20/04643 ; M20220014)