Jurisprudence
Brevet

Opposition à un brevet devant l’INPI - Contenu de l’état de la technique - Accessibilité au public de capteurs de température pour véhicules

PIBD 1231-III-1
INPI, 26 mars 2024

Opposition justifiée (oui) - Maintien du brevet sous une forme modifiée

Revendication 1 - 1) Nouveauté (oui) - Contenu de l’état de la technique - Accessibilité au public (non) - Confidentialité - Expertise - 2) Activité inventive (non) - Domaine technique voisin

Requêtes subsidiaires - Modification du brevet - Revendication 1 - Activité inventive (non)

Requête subsidiaire 10 - Modification du brevet - Clarté des revendications (non)

Requête subsidiaire 10bis - Modification du brevet - Extension de l’objet du brevet au-delà du contenu de la demande telle que déposée (oui)

Requête subsidiaire 8 - Modification du brevet - Extension de l’objet du brevet au-delà du contenu de la demande telle que déposée (non) - Clarté (oui) - Activité inventive (oui)

Texte
Dessin du brevet FR 3 08 84 24 de la société SC2N
Texte

L’opposition formée à l’encontre du brevet français intitulé « capteur de température avec butée anti-rotation » est reconnue justifiée et le brevet est maintenu sous une forme modifiée.

L’invention objet du brevet contesté porte sur un capteur destiné à mesurer la température des gaz d’échappement de véhicules automobiles et son système de fixation.

L’opposant a demandé la révocation totale du brevet contesté sur la base des motifs d’opposition tenant au défaut de nouveauté et au défaut d’activité inventive pour les revendications 1 à 9.

Il indique que des capteurs de température conformes à la revendication 1 du brevet contesté, tel que délivré, ont été mis à la disposition du public par leur montage dans des véhicules mis dans le commerce avant la date de dépôt du brevet.

Pour étayer son propos, il a produit des plans de capteurs sur lesquels figurent des numéros de référence, ainsi que des factures de livraison à une usine d’assemblage automobile de capteurs portant les mêmes références, plusieurs mois avant la date de dépôt du brevet contesté. L’opposant avance que, compte tenu de la pratique dans l’industrie automobile, les capteurs ont été montés rapidement après leur livraison et les automobiles les comportant ont été mises dans le commerce avant la date de dépôt du brevet.

En outre, l’opposant s’est appuyé sur une automobile particulière, immatriculée avant la date de dépôt du brevet contesté. Un rapport d’expertise, réalisé par une entreprise tierce spécialisée dans l’inspection automobile, a relevé que le capteur de température des gaz d’échappement de l’automobile en question ne présentait pas de trace de démontage et qu’il comportait un numéro de référence identique à celui figurant sur les plans et bons de livraison produits par l’opposant. Celui-ci a également produit une copie du carnet d’entretien du véhicule sur lequel ne figurait aucune mention d’un remplacement du capteur ainsi que le témoignage écrit d’un responsable d’une concession automobile qui a assuré l’entretien mécanique de ce véhicule pour le compte de son ancienne propriétaire. Le responsable précisait ne pas avoir changé le capteur de température et ajoutait que, compte tenu de sa relation de clientèle ancienne et régulière avec la propriétaire, il était convaincu qu’elle n’aurait pas effectué une telle réparation dans un autre garage. Enfin, il indiquait avoir racheté l’automobile en question à une date ultérieure au dépôt du brevet contesté et n’avoir jamais changé le capteur de température des gaz d’échappement depuis lors. L’opposant en concluait que le capteur des gaz d’échappement analysé par l’expert, et comportant le même numéro de référence que les plans, était le capteur d’origine de l’automobile qui était dans le commerce avant le dépôt du brevet contesté.

L’INPI n’a pas suivi ces arguments. Les plans des capteurs de température produits par l’opposant contiennent chacun une mention indiquant l’existence d’un accord de confidentialité entre le livreur et le destinataire des capteurs décrits dans ces documents. Faute d’éléments indiquant la fin d’un tel accord, ces documents sont considérés comme confidentiels à la date de dépôt du brevet contesté et ne sont donc pas considérés comme ayant été dévoilés au public à cette date. Les livraisons de capteurs dévoilées par les factures fournies ne constituent donc pas une mise à disposition du public de ces mêmes capteurs. En outre, le fait que les capteurs aient été installés dans les véhicules rapidement après leur livraison et que ces véhicules aient été livrés aux clients avant la date de dépôt du brevet contesté n’est qu’une suite de suppositions de l’opposant non prouvées.

Concernant le véhicule analysé, il est relevé que le carnet d’entretien d’un véhicule n’est qu’un document indicatif dont le remplissage n’est ni légalement obligatoire, ni systématique dans la pratique. Dès lors, l’absence de mention du remplacement du capteur dans un tel carnet ne peut être considérée comme prouvant que le capteur n’a jamais été changé. De même, l’absence de trace de démontage relevée par l’expert ne peut être considérée comme prouvant que le capteur n’a pas été changé. 

Enfin, les propos rapportés de la propriétaire de l’automobile ne sont qu’un témoignage indirect sans valeur probante et la conviction du responsable de la concession automobile sur le fait que celle-ci n'aurait pas fait changer le capteur dans un autre garage n’est qu’une supposition. Ces déclarations ne permettent donc pas de conclure que la propriétaire du véhicule n’a pas fait changer le capteur.

Il est donc uniquement établi que les capteurs selon les plans fournis ont été livrés de façon confidentielle à l’usine d’assemblage automobile avant la date de dépôt du brevet contesté et qu’une automobile particulière, immatriculée avant ladite date, contenait l’un desdits capteurs à une date ultérieure à la date de dépôt.

La mise à disposition du public des capteurs selon les plans avant la date de dépôt du brevet contesté n’ayant pas été établie, lesdits plans ne font pas partie de l’état de la technique opposable au titre de la nouveauté de la revendication 1 du brevet contesté tel que délivré.

Par ailleurs, il est retenu que l’objet de la revendication 1 du brevet contesté tel que délivré n’implique pas d’activité inventive par rapport à d’autres publications fournies par l’opposant. Le brevet est toutefois maintenu sous une forme modifiée proposée par le titulaire.

par Anthony Soledade
Ingénieur brevets, Département des brevets à l’INPI

Décision INPI, 26 mars 2024, OPP 22-0017 (OB20220017)
Vitesco Technologies France SAS c. SC2N SA