Jurisprudence
Marques

Contrefaçon de la marque LED POWER - Poursuite de l'exploitation après la rupture de la licence tacite accordée à une société par un ancien dirigeant

PIBD 1146-III-4
CA Rennes, 11 septembre 2020

Revendication de propriété - Dépôt de marque par un dirigeant - Pacte d'actionnaires - Clause contractuelle - Cession ou licence accordée à la société - Licence tacite

Validité de la marque (oui) - Caractère distinctif - Langue étrangère - Désignation nécessaire, générique ou usuelle - Caractère descriptif

Contrefaçon de marque (oui) - Licence tacite à titre gratuit - Poursuite de l'exploitation après la rupture de la licence - Rupture abusive (non) 

Texte
Marque n° 3 517 091 de Romuald F
Texte

Dans le cadre d’un pacte d’actionnaires, il était prévu que les dirigeants de la société défenderesse s’engagent à lui permettre d’utiliser les marques nécessaires à son activité, soit en devenant propriétaire des titres, soit sous forme de licence. La clause n’opérait pas, par elle-même, transfert des éventuels droits de propriété des dirigeants sur une marque. Elle ne peut pas non plus être interprétée comme une renonciation à leurs droits. En laissant la société faire usage de la marque LED POWER qu’il avait déposée, le demandeur, qui était alors dirigeant, lui a ainsi accordé une licence tacite à titre gratuit. Il est donc resté propriétaire de cette marque.

La marque LED POWER est valable. Si le premier terme, qui fait référence à un terme anglais désignant les diodes électroluminescentes, est inscrit dans le dictionnaire, le second correspond à un mot de langue anglaise qui n’est pas connu du consommateur français moyen, en tout cas dans une signification précise. L’association de ces termes n’est pas, dans le langage courant ou professionnel, exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle des produits ou services visés, à savoir notamment les appareils d'éclairage. Le fait que la marque n’ait pas été jugée distinctive par l’EUIPO est sans incidence au regard du droit français1.

La poursuite, par la société défenderesse, de l’utilisation de ce signe, notamment à titre de dénomination sociale ou pour désigner des produits, après la rupture de la licence tacite qui lui avait été accordée, constitue un acte de contrefaçon. La décision du titulaire de la marque, qui a été relevé de ses fonctions de président de la société, de mettre fin à la licence ne peut s’interpréter comme un abus de droit. L’existence de la licence résultait en effet contractuellement de sa qualité de dirigeant. De plus, la société a bénéficié d'un préavis d'une année, à compter de cette décision, soit de la date de délivrance de l'assignation, lui permettant de modifier son nom et tout l'environnement de communication mis en place autour de la marque LED POWER.

Cour d'appel de Rennes, 3e ch. com., 11 septembre 2020, 2015/07260 (M20200165)
Silen SAS (anciennement dénommée Ledpower SAS) et Me B (en qualité de liquidateur judiciaire de la Sté Silen, intervenant volontaire) c. Romuald F
(Infirmation partielle TGI Rennes, 6 juill. 2015)

1 La demande de marque de l'UE LEDPOWER n° 007 005 391, revendiquant l’ancienneté de la marque française n° 3 517 091, objet du présent litige, a été rejetée par décision de l’EUIPO du 7 septembre 2009 (https://euipo.europa.eu/eSearch/#details/trademarks/007005391). L’Office a estimé que ce signe avait un caractère descriptif par rapport aux produits d’éclairage visés, l’expression signifiant, pour le public pertinent constitué des consommateurs de langue anglaise de la Communauté européenne, « puissance de diodes électroluminescentes ».