Jurisprudence
Marques

Contrefaçon des marques RUBIK’S - Utilisation dans un hypermarché d’un présentoir représentant les marques pour promouvoir des puzzles cubiques concurrents

PIBD 1197-III-4
CA Paris, 18 novembre 2022

Validité de la saisie-contrefaçon (non) - Absence de signature de la requête par l’avocat - Irrégularité de fond

Contrefaçon des marques verbale et semi-figurative de l’UE (oui) - Usage - Substitution de produits concurrents dans un présentoir représentant la marque semi-figurative - Reproduction - Imitation - Partie verbale dominante - Preuve - Attestation d'un salarié - Aveu judiciaire (non) - Bonne foi inopérante - Responsabilité du fournisseur (non)

Contrefaçon de marque (non) - Usage à titre de marque d'appel - Preuve non rapportée d’un stock insuffisant

Parasitisme (oui) - Faits distincts des actes de contrefaçon - Reproduction de l’ancienne dénomination du produit et de son mécanisme interne - Volonté de profiter de la notoriété et des investissements d'autrui - Produit phare

Préjudice au titre de la contrefaçon - Acte isolé - Faits antérieurs à la cession des marques - Banalisation

Texte
Marque n° 9 408 261 de la société Rubik’s Brand
Marque n° 9 408 246 de la société Rubik’s Brand
Texte

La requête aux fins de saisie-contrefaçon ainsi que l'ordonnance et le procès-verbal de saisie-contrefaçon subséquents sont annulés, faute de signature de la requête. L'article 117 du Code de procédure civile prévoit notamment que constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte, le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice. Or, dans les procédures avec représentation obligatoire, les prétentions des parties et les moyens sur lesquels elles sont fondées sont formulés dans des écritures qui doivent être signées par l'avocat constitué, lequel a seul qualité pour représenter les parties et conclure en leur nom. L'absence de signature au pied de la requête constitue donc une nullité de fond de l'acte.

La contrefaçon des marques verbale et semi-figurative de l’Union européenne RUBIK’S, désignant notamment les puzzles en trois dimensions, jeux et jouets, est caractérisée. La société de grande distribution poursuivie a présenté des produits concurrents appelés « Magic Cube », dans un présentoir sur lequel la marque semi-figurative RUBIK’S est reproduite, de façon très visible pour le consommateur. Elle a donc utilisé cette marque à l'identique pour vendre des produits identiques. En outre, cet usage constitue une imitation de la marque verbale. La société défenderesse qui a fourni les jeux litigieux ne peut être considérée comme responsable des agissements du revendeur détaillant. Notamment, les considérations générales des titulaires successifs des marques RUBIK’S, sur les pratiques des fournisseurs et grands distributeurs quant à la présentation des produits pour les mettre en valeur, sont insuffisantes à démontrer l'implication de cette société dans la présentation des produits Magic Cube.

En revanche, les demandes en contrefaçon formées au titre de la pratique de la marque d’appel sont rejetées. Il résulte des pièces fournies que dans le présentoir figuraient non seulement des produits Magic Cube mais également des produits RUBIK’S, certes positionnés en bas du présentoir. Ceci témoigne du fait que le revendeur avait des produits en stock. De même, la circonstance que le fournisseur utilise la marque RUBIK’S dans ses catalogues présentant les produits qu’il propose à la grande distribution, alors que ses commandes de produits RUBIK’S diminuent, ne suffit pas à caractériser de tels actes de contrefaçon, aucun élément ne venant démontrer qu’il est dans l'incapacité de fournir sa clientèle en produits RUBIK’S faute de stock.

Le fournisseur a commis des actes parasitaires en commercialisant le Magic Cube qui reprend le mécanisme interne et l'aspect extérieur du Rubik’s Cube d'origine. Le nom « Magic Cube » correspond au nom initial du puzzle cube opposé, qui est devenu mondialement connu, non seulement sous le nom de « Rubik’s Cube », mais aussi par son apparence et sa mécanique. Ainsi, le fournisseur s'est volontairement placé dans le sillage du jeu Rubik’s Cube qui constitue un produit phare de la société demanderesse pour profiter sans bourse délier de cette notoriété ancienne de plusieurs dizaines d'années pour vendre ses propres produits à un prix inférieur. La circonstance que le mécanisme du Rubik’s Cube ou son apparence ne soit plus l'objet d'un droit de propriété industrielle n'autorise pas le fournisseur à profiter, sans rien dépenser, de la notoriété acquise de ce jeu.

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 18 novembre 2022, 20/18533 (M20220306)
Rubik's Brand Ltd et Spin Master Toys UK Ltd (intervenant volontaire) c. Société de Distribution Nœuxoise SAS et WDK Groupe Partner SAS
(Confirmation partielle TJ Paris, 3e ch., 1re sect., 29 oct. 2020, 19/00488)