Interdiction provisoire (oui) - Provision (oui) - Caractère vraisemblable de l'atteinte aux droits - Contrefaçon d’une marque de l'UE - Reproduction - Produits authentiques - Épuisement des droits - Droit de l’UE - Mise dans le commerce hors EEE - Importation et commercialisation dans l’EEE - Consentement du titulaire - Consentement implicite - Portée de l’interdiction
Une mesure d’interdiction provisoire est prononcée à l’encontre de la société poursuivie qui a commercialisé en France des lentilles intra-oculaires de la marque de l’Union européenne ACRYSOF invoquée. Cette société a importé d’un pays extérieur à l’Espace économique européen des produits authentiques, fabriqués légalement en Irlande pour être livrés en Turquie aux distributeurs locaux du groupe Alcon, qui avaient l’interdiction de les commercialiser en dehors de ce pays. Elle ne peut arguer de l'emploi de la langue anglaise ou d'autres langues sur les notices des produits litigieux, pour déduire que ceux-ci, dont le circuit de commercialisation est retracé grâce aux numéros de série, étaient destinés à une commercialisation plus vaste.
La société poursuivie n’établit pas que chaque exemplaire des produits argués de contrefaçon a été mis dans le commerce dans l'EEE par le titulaire de la marque, ou avec son consentement même implicite, après cette première commercialisation des produits hors de l'EEE. En effet, si elle produit une facture justifiant, selon elle, qu'elle s'est fournie auprès d'une société basée à Hong Kong, elle ne démontre pas le consentement du groupe Alcon pour la mise en commercialisation sur le territoire de l’Union européenne de ces produits. Elle ne peut prétendre avoir ignoré cette situation. En effet, elle admet avoir importé, de Chine, des produits dont les étiquettes sont rédigées en langue turque sans avoir vérifié leur origine, ses dirigeants sont d'anciens salariés de la société demanderesse connaissant donc sa politique de distribution et elle a sollicité la négociation d'un accord concernant la distribution de ces produits en France qui lui a été refusé.
Enfin, la société poursuivie ne saurait invoquer la théorie de l'épuisement international des droits de marque, sur la base d'un arrêt de la Cour suprême des États-Unis, produit sans aucune traduction. Cet arrêt ne concerne en effet que l'épuisement du droit des brevets américains et, non, celui du droit des marques dans l'Union européenne.
Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 23 novembre 2021, 20/17694 (M20210281)1
Indis SAS c. Laboratoires Alcon SAS
(Confirmation TJ Paris, ord. réf., 9 nov. 2020, 20/56216)
1La même formation de la cour d’appel de Paris a rendu le même jour un arrêt ayant accueilli une demande en contrefaçon de la marque de l’Union européenne DOM PERIGNON (pôle 5, 1re ch., 23 nov. 2021, Simizy SARL c MHCS SA, 19/18823 ; M20210279). Dans cette affaire, la société poursuivie, qui exerce une activité d’intermédiaire de commerce en spiritueux, a fourni des bouteilles de champagne revêtues de la marque invoquée, qui ont été revendues sur Internet à l’occasion de la foire aux vins d’une enseigne de « hard discount » qui ne faisait pas partie du réseau de distribution sélective de la société demanderesse. L’exception d’épuisement des droits a été rejetée, faute de preuve du consentement, même implicite, du titulaire de la marque à la commercialisation de ces produits sur le territoire de l’Union européenne. À cet égard, il est établi que les codes-barres des cartons des bouteilles litigieuses ont été retirés afin de masquer l'origine des produits. Dès lors, la société poursuivie, qui ne justifie pas que son propre fournisseur aurait acquis les bouteilles en cause d'une société autorisée par la demanderesse, a pris l'initiative d'acquérir des marchandises situées en-dehors du territoire de l'Union européenne, de les importer et de les vendre en toute connaissance du fait qu’elles allaient être commercialisées sur le territoire français.