Action en contrefaçon au titre du droit des dessins et modèles - Recevabilité (non) - Qualité pour agir - Titularité des droits - Enveloppe Soleau
Protection du dessin au titre du droit d’auteur (non) - Œuvre de l’esprit - Plan architectural - Originalité - Œuvre de commande - Caractéristique technique - Style connu - Empreinte de la personnalité de l'auteur - Effort de création - Parti pris esthétique
Celui qui exerce une action contrefaçon d’un dessin ou modèle doit pouvoir se prévaloir d'un droit sur celui-ci, ce qui suppose qu’il ait été enregistré auprès de l'INPI dans les formes prévues aux articles R. 512-1 et suivants du CPI. La société demanderesse ne peut se prévaloir du simple dépôt de ses plans d’une maison d’habitation sous la forme d'une enveloppe Soleau. En effet, cette formalité ne confère aucun droit de propriété au déposant, tout au plus le bénéfice d'une preuve d'antériorité en application de l’article R. 511-6.
La société demanderesse ne justifie pas de l'existence de droits d'auteur sur ses plans de maison individuelle. Elle se prévaut d'une ligne architecturale spécifique et originale en ce que la maison dessinée par elle serait constituée notamment de trois pignons qui ne seraient pas rendus obligatoires par des contraintes techniques.
Les plans et croquis relatifs à l’architecture sont susceptibles d’être protégés au titre du droit d’auteur, en application de l‘article L. 112-2 12° du CPI. La protection légale peut donc s’appliquer à des travaux de création présentant des caractéristiques techniques. Toutefois, l'originalité des plans revendiqués n'est pas établie, la seule présence de trois pignons n’étant pas suffisante à caractériser une ligne architecturale singulière. En effet, d’une part, ces trois pignons apparaissaient déjà sur l'ébauche de plan proposée par le maître d’ouvrage à la société de construction défenderesse, ébauche elle-même basée sur un avant-projet que celle-ci avait établi pour les besoins d’un autre client. D'autre part, l'étude des pièces versées au débat laisse apparaître l'existence, en France, d'une ligne architecturale composée de trois pignons, au moins depuis le XVe siècle, la « Maison des Trois Pignons » de Provins étant répertoriée comme la première du genre.
En conséquence, la société demanderesse ne saurait s'approprier l'exclusivité d'un style architectural déjà établi. Bien d'autres architectes ou constructeurs de maisons individuelles proposent des maisons dont les plans sont assez similaires à ceux invoqués. Cette banalisation contribue à priver de tels plans de l'originalité qui leur conférerait le statut d'œuvres de l'esprit protégées au titre des droits d'auteur. Ainsi et en dehors de la présence de ces trois pignons, la société demanderesse ne justifie pas d'autres choix créatifs démontrant un parti pris artistique qui puisse refléter l'empreinte de sa personnalité.
Cour d’appel de Rennes, 3e ch. civ., 23 novembre 2021, 19/01684 (D20210066)[1]
Bessin Pavillons c. Fabien R, Élodie R , Alain E et al.
(Confirmation partielle TGI Rennes, 4 févr. 2019)
[1] La revendication de plans ou de croquis d’architecture au titre du droit d’auteur est assez rare. Le cas s’est notamment présenté dans les affaires suivantes : TGI Strasbourg, 1re ch. civ., 6 févr. 2006, Les Nouvelles Maisons d’Alsace SA (NMA) c. Christian F et al., 04/00922 (D20060031 ; PIBD 2006, 831, III-413) ; Cass., 1re civ., 5 juill. 2006, François L et al. c. Karelis SARL et al., 05/12193 (D20060073 ; PIBD 2006, 837, III-625 ; RLDI, 19, sept. 2006, p. 17, obs. de L. Costes et J-B Auroux ; CA Paris, pôle 5, 2e ch., 22 juin 2012, Alain T c. Valente Construction SARL, 11/06079 (D20120108 ; PIBD 2012, 971, III-730).