Jurisprudence
Marques

Validité des marques FR-M, FR4 et FR-K désignant des liquides aromatisés pour cigarettes électroniques - Contrefaçon par l’usage des signes FS-M, FS-4 et FS-K

PIBD 1174-III-6
CA Paris, 15 octobre 2021

Validité des marques de l’UE (oui) - 1) Caractère distinctif (oui) - Désignation usuelle et nécessaire - Caractère descriptif - Caractéristique du produit - Provenance géographique - Fonction d’indication d’origine - 2) Caractère déceptif (non) - Label officiel - 3) Fraude (non) - Détournement du droit des marques - Volonté de priver autrui d’un signe nécessaire à son activité

Déchéance des marques (non) - 1) Usage sérieux (oui) - Usage avec une marque ombrelle - Usage à titre de marque - Fonction d’indication d’origine - 2) Dégénérescence (non) - Marques devenues usuelles - Défense du titre

Contrefaçon des marques (oui) - Imitation - Usage avec une marque ombrelle - Usage à titre de marque - Risque de confusion

Concurrence déloyale et parasitaire (non) - Faits distincts des actes de contrefaçon - Imitation du produit et du flaconnage - Forme, couleur et charte graphique - Risque de confusion

Préjudice - Préjudice économique - Préjudice moral - Atteinte à l’image des marques

Responsabilité (non) - Dénigrement - Mises en demeure

Texte
Marque n° 013 134 689 de la société Gaiatrend
Marque n° 013 515 581 de Didier M
Marque n° 016 748 931 de M. [O]
Texte

Les signes FR4, FR-M et FR-K présentent un caractère arbitraire et distinctif pour désigner notamment des liquides aromatisés pour cigarettes électroniques. Il n’est pas établi qu’ils constituaient, à la date de leur dépôt à titre de marque, la désignation usuelle et nécessaire, auprès des professionnels du secteur et des utilisateurs, d'un liquide pour cigarette électronique d’une saveur déterminée. Les commentaires subjectifs de revendeurs ou de consommateurs, évoquant des ressemblances olfactives entre des e-liquides et les cigarettes des marques de tabac, ne constituent pas la preuve que les signes FR-M, FR4 et FR-K sont descriptifs, respectivement, des saveurs « Marlboro », « Dunhill » et « Camel ». Il n’est pas davantage démontré que les lettres « FR » seraient nécessairement perçues comme indiquant l'origine française des produits, une telle indication étant habituellement apportée au moyen des mentions « fabrication française », « fabriqué en France » ou du drapeau tricolore.

Par ailleurs, il n’est pas établi que les lettres « FR » seront associées à un label officiel, et que leur présence serait de nature à tromper le public sur la qualité ou la provenance géographique des produits, celles-ci étant indiquées par les labels officiels « NF » et « Origine France Garantie ».

En l’absence de preuve de l’utilisation antérieure, par d'autres opérateurs du marché concerné, des signes FR-M, FR4 et FR-K, il n'est pas caractérisé à la charge des titulaires des marques un détournement du droit des marques dans l'intention frauduleuse de priver les tiers de toute possibilité de faire usage de signes nécessaires à leur activité.

Les marques FR-M et FR4 ont fait l’objet d'un usage sérieux, pour désigner des e-liquides pour cigarettes électroniques. Ces produits sont présentés à la vente dans des flaconnages indiquant les signes FR-M et FR4 sous la marque ombrelle Alfaliquid. En permettant au consommateur d'identifier et de distinguer au sein de la marque ombrelle[1], les différents e-liquides selon leur arôme ou leur saveur, les signes sont utilisés à titre de marque et répondent à la fonction d'indication de l'origine commerciale du produit.

En fabricant, offrant en vente et vendant des liquides aromatisés pour cigarettes électroniques sous les dénominations FS-M, FS-4 et FS-K, la société poursuivie a commis des actes de contrefaçon des marques FR-M, FR4 et FR-K. Les signes contestés sont apposés sur les flacons de liquides pour cigarettes électroniques présentés à la vente sous la marque ombrelle Liquideo. Ils sont ainsi destinés à permettre au public d'identifier et de distinguer les produits commercialisés au sein de cette marque ombrelle et sont exploités à titre de marque. Il existe un risque de confusion entre les signes, en raison de leur forte ressemblance, au plan visuel, auditif et conceptuel, ainsi que de l'identité des produits concernés.

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 15 octobre 2021, 20/08665 (M20210241 ; LEPI, mars 2022, p. 22, J-P Clavier)
Akiva SAS c. Gaiatrend SARL et Didier M

(Confirmation TJ Paris, 15 oct. 2021, 18/13609)

[1] Sur l’usage sérieux d’une marque accompagnée d’une marque ombrelle, voir notamment : CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 18 nov. 2021, Catherine S c. INPI et al., 21/05511 (M20210273 ; PIBD 2021, 1173, III-4) et CA Paris, 4e ch., sect. B, 19 déc. 2008, Laboratoire Garnier et Cie SNC c. Sara Lee Household and Body Care France SNC, 07/17455 (M20080728 ; PIBD 2009, 890, III-822).