Déchéance partielle de la marque - Délai de non-usage - Usage sérieux - Usage avec une marque ombrelle
La société titulaire de la marque GABRIELLE justifie en avoir fait un usage sérieux pour désigner des parfums et eaux de parfum. Le recours contre la décision du directeur général de l’INPI ayant fait partiellement droit à la demande en déchéance de la marque, sauf pour ces produits, est rejeté.
Il résulte de l’article L. 714-5 du CPI que la déchéance est encourue en cas de non-usage d’une marque pendant cinq ans consécutifs et non pas en l’absence de preuve d’un usage ininterrompu de cette marque durant la même période de cinq ans.
En l’espèce, les pièces versées (factures, emballages, articles de presse …) établissent que la société titulaire a proposé au public, durant la période concernée, un parfum sous le signe GABRIELLE. Ce signe apparaît, sur les flacons et les emballages, clairement distingué du signe CHANEL, dès lors qu’il est encadré de rouge et écrit en plus petits caractères. Il est lui-même distinctif pour désigner un parfum ou une eau de parfum en ce qu’il se réfère à un prénom féminin. Le fait que ce prénom soit celui de la fondatrice de la marque CHANEL ne suffit pas à lui faire perdre son caractère distinctif auprès du public concerné, cette dernière étant connue généralement sous son pseudonyme Coco.
La société titulaire démontre qu’elle a pour habitude de désigner ses différents produits en utilisant le signe CHANEL, marque ombrelle d'une grande notoriété destinée à désigner l'origine du parfum, puis un autre signe désignant le parfum spécifique portant la marque (par exemple « n°5 » ou « Coco »). Le consommateur est ainsi habitué à distinguer la marque ombrelle CHANEL de la marque destinée à individualiser un type de parfum provenant de la société.
Au demeurant celle-ci démontre que le signe GABRIELLE, sans référence à CHANEL, est utilisé fréquemment, pour désigner seul le produit proposé au public.
Cour d’appel d’Aix-en-Provence, ch. 3-1, 18 novembre 2021, 21/05511 (M20210273)[1]
Catherine S c. INPI et Chanel SAS
(Rejet recours c. décision INPI, 26 mars 2021, DC 20-0035 (DC20200035)
[1] À notre connaissance, il s’agit du premier arrêt rendu sur recours contre une décision du directeur général de l’INPI en matière de déchéance de marque. En l’espèce, la cour d’appel considère que l’usage du signe GABRIELLE accompagné de la marque ombrelle CHANEL permet d'établir un usage sérieux de la seule marque GABRIELLE. Dans le même sens, une cour d’appel avait jugé que la marque INVISIBLE était bien utilisée à titre de marque sur des déodorants, malgré l’apposition de la marque ombrelle NARTA, et qu’il est fréquent dans le domaine des produits de beauté et d'hygiène d’utiliser plusieurs signes simultanément sans faire perdre à chacun leur caractère distinctif (CA Paris, 4e ch., sect. B, 19 déc. 2008, Laboratoire Garnier et Cie SNC c. Sara Lee Household and Body Care France SNC, 07/17455 ; M20080728 ; PIBD 2009, 890, III-822).
Cet arrêt peut être rapproché d’un arrêt de la même cour d’appel opposant les mêmes parties, qui a rejeté le recours contre la décision du directeur général de l’INPI ayant reconnu justifiée l’opposition à l’enregistrement de la marque GABRIELLE, déposée pour des vêtements, dès lors qu’il existe un risque de confusion avec la marque antérieure GABRIELLE visant parfums et cosmétiques, du fait de l’identité des signes et de la similarité entre ces produits (CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 23 sept. 2021, 20/06088 ; M20210209 ; PIBD 2021, 1171, III-3, avec une note de Madeleine Bigoy).