Jurisprudence
Marques

Demande d’une marque tridimensionnelle de l’UE - Caractère distinctif de la forme d’un rouge à lèvres divergeant significativement de la norme ou des habitudes du secteur

PIBD 1168-III-2
TUE, 14 juillet 2021

Demande d'enregistrement d’une marque tridimensionnelle de l'UE - Forme du produit - Caractère distinctif (oui) - Public pertinent - Fonction d'indication d'origine - Norme ou habitudes du secteur - Variété de formes

Texte
Demande d’enregistrement de marque de l’UE de la société Guerlain
Texte

C’est à tort que la chambre de recours de l'EUIPO a considéré que la marque tridimensionnelle demandée, constituée par la forme d'un rouge à lèvres, était dépourvue de caractère distinctif.

L’appréciation du caractère distinctif d’une marque de l’UE ne se fonde pas sur l’originalité ou l’absence d’utilisation de cette marque dans le domaine dont relèvent les produits et les services concernés. Ainsi, une marque tridimensionnelle constituée par la forme du produit doit nécessairement diverger de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur concerné. Dès lors, la seule nouveauté de cette forme n’est pas suffisante pour conclure à l’existence d’un caractère distinctif.

La circonstance que des produits aient un design de qualité n’implique pas nécessairement qu’une marque constituée par la forme tridimensionnelle de ces produits permette ab initio de les distinguer de ceux d’autres entreprises. L’aspect esthétique d’une telle marque peut toutefois être pris en compte pour établir une différence par rapport à la norme et aux usages d’un secteur, ce qui n’équivaut pas à une évaluation de la beauté du produit en cause, mais vise à vérifier si celui-ci est en mesure de générer un effet visuel objectif et inhabituel aux yeux du public pertinent.

En l’espèce, la chambre de recours s’est limitée à constater l’absence de divergence significative de la forme en cause en prenant en considération des images de rouges à lèvres (pour la plupart de forme cylindrique ou parallélépipédique) comme constituant la norme et les habitudes du secteur concerné. Or, au regard de ces exemples, la forme litigieuse est inhabituelle pour un rouge à lèvres et diffère de toute autre forme existant sur le marché. Appréhendée globalement, elle rappelle celle d’une coque de bateau ou d’un couffin et ne présente aucune surface plane analogue à celles d’un cylindre. De ce fait, le produit concerné ne peut pas être positionné de manière verticale, ce qui renforce l’effet visuel inhabituel de sa forme pour le public pertinent. Par ailleurs, la présence d’une petite forme ovale en relief et d’une encoche rectangulaire, en dépit de leurs caractéristiques techniques, contribuent à l’apparence inhabituelle de cette marque. Par conséquent, le public pertinent sera surpris par cette forme facilement mémorisable et la percevra comme divergeant de manière significative de la norme et des habitudes du secteur des rouges à lèvres en mesure d’indiquer l’origine des produits concernés.

Tribunal de l’Union européenne, 5e ch., 14 juillet 2021, T‑488/20 (M20210177 ; Propr. industr., oct. 2021, comm. 55 par A. Folliard-Monguiral)
Guerlain c. EUIPO
(Annulation décision de la 5e ch. de recours de l’EUIPO, 2 juin 2020, R 2292/2019-1)