Jurisprudence
Marques

Dépôt de mauvaise foi de la marque de l’UE MONOPOLY - Dépôts successifs afin de s’exempter de la preuve d’usage

PIBD 1162-III-1
TUE, 21 avril 2021

Annulation partielle de la marque de l'UE - Dépôt de mauvaise foi - Dépôts successifs pour les mêmes produits et services - Connaissance de cause - Détournement du droit des marques - Règles relatives à la preuve d’usage

Texte
Marque n° 9 071 961 de la société Hasbro Inc.
Texte

C’est à bon droit que la chambre de recours de l’EUIPO a considéré que la marque de l'Union européenne MONOPOLY devait être partiellement annulée pour dépôt de mauvaise foi[1], au sens de l’article 52, § 1, b) du règlement no 207/2009, pour les produits et services déjà couverts par les marques antérieures de la société déposante et portant sur le même signe.

Aucune disposition de la réglementation relative aux marques de l’Union européenne n’interdit le dépôt réitéré d’une demande d’enregistrement de marque. Dès lors, un tel dépôt ne saurait, en lui-même, établir la mauvaise foi du demandeur, sans être assorti d’autres éléments pertinents.


Les explications de la société requérante, selon lesquelles le dépôt visait à protéger la marque MONOPOLY pour d’autres produits et services afin de suivre l’évolution de la technologie et l’expansion de ses activités, ont été considérées comme valables. En revanche, ces explications ne sont pas de nature à justifier le dépôt de la marque pour des produits et des services identiques à ceux couverts par les marques antérieures. Le dépôt réitéré effectué par la requérante visait notamment, de son propre aveu, à ne pas avoir à prouver l’usage sérieux de la marque litigieuse, dans le cadre de procédures d’opposition, en prolongeant ainsi, pour les marques antérieures, le délai de grâce de cinq ans prévu à l’article 51, § 1, a) du règlement précité.

Or, un tel comportement doit être considéré, non pas comme un comportement légitime, mais comme contraire aux objectifs du règlement précité, aux principes régissant le droit des marques de l’Union européenne et à la règle relative à la preuve de l’usage.

Cette stratégie de dépôt n’est pas sans rappeler la figure de l’abus de droit. En effet, malgré un respect formel des conditions prévues par la réglementation de l’Union européenne, il existe une volonté d’obtenir un avantage résultant de cette réglementation en créant artificiellement les conditions requises pour son obtention.

Tribunal de l’Union européenne, 6e ch. élargie, 21 avril 2021, T-663/19 (M20210109 ; Propr. industr., juin 2021, comm. 37, note d’A. Folliard-Monguiral)[2]
Hasbro Inc. c. EUIPO et Kreativni Dogadaji d.o.o.
(Rejet recours c. décision de la 2e ch. recours de l’EUIPO, 22 juill. 2019, R 1847/2017-2) 

[1] La notion de dépôt de mauvaise foi a été ajoutée en droit français aux motifs absolus de nullité, dans le cadre de la réforme dite du « Paquet Marques », par l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 transposant la directive n° 2015/2436 du 16 décembre 2015.

[2] À rapprocher de : Cass. com, 30 mars 2016, Laboratoires Soins Experts SARL et al. c. Allergan Inc., V 13-12.122 (M20160157 ; PIBD 2016, 1049, III-372 ; Contrats, conc. consom, juill. 2016, p. 26, note de M. Malaurie-Vignal  ; Propr. intell., 61, oct. 2016, p. 483, note d'A. Bouvel) ; TGI Paris, 3e ch., 2e sect., 7 févr. 2014,  Red Bull GmbH  c. Prima-Contact, 12/04304 (M20140176 ; PIBD 2014, 1006, III-424).