Validité des marques figuratives et tridimensionnelle de l’UE (non) - Nuance de couleur - Forme du produit - Dépôt de mauvaise foi - Droit de l’UE - Effet technique - Détournement du droit des marques - Fonction d’indication d’origine - Volonté de prolonger un monopole
Concurrence parasitaire (non) - Reproduction de la couleur - Absence de droit privatif - Absence de valeur économique
Concurrence déloyale à l’égard du défendeur (oui) - Abus du droit des marques - Préjudice moral
Droit de la concurrence - Abus de position dominante (non) - Détermination du marché pertinent
Les marques figuratives et tridimensionnelle de l’UE invoquées, correspondant, d’une part, à la couleur rose d’un matériau céramique breveté pour la fabrication de prothèses médicales et, d’autre part, à la forme d’une bille de couleur rose pour articulation de la hanche, ont été déposées de mauvaise foi et doivent être annulées.
Il est démontré qu'au jour du dépôt des marques, la présence d'oxyde de chrome dans la composition de ce matériau était considérée par le déposant, ses concurrents et les utilisateurs des éléments de prothèse tels les chirurgiens orthopédiques, comme ayant un effet technique et participant à la dureté et la résistance de ce matériau. La couleur rose, qui résulte de la présence de l’oxyde de chrome, n’était pas appréhendée comme un élément arbitraire ou un signe de ralliement de la clientèle. Le déposant a donc eu l'intention d'obtenir un droit exclusif à des fins autres que celles relevant de la fonction d’indication d'origine de la marque.
Le déposant savait que des concurrents se préparaient à investir le marché avec des produits composés des mêmes céramiques de couleur rose, une fois son brevet tombé dans le domaine public. Il a déposé les marques quelques jours après l'expiration du brevet, alors qu'il ne l'avait pas fait antérieurement et que le produit de couleur rose était exploité depuis dix ans. Or, si un même produit peut être protégé par plusieurs droits de propriété industrielle, la succession de ces droits ne doit pas servir à protéger la même caractéristique du produit, en l'espèce sa caractéristique technique, pour prolonger indûment le monopole initialement conféré par le brevet. En conséquence, le critère participant de la mauvaise foi est en l'espèce une volonté pour le déposant de prolonger la protection du matériau objet du brevet et d'empêcher ses concurrents de commercialiser des produits de même nature et de même résistance et protéger ainsi l'accès au marché qu'il domine. Il a donc déposé les marques dans un but autre que la participation au jeu loyal de la concurrence, même si, ultérieurement aux dépôts, il s’est avéré que la présence d'oxyde de chrome n'avait pas d'effet sur la résistance du matériau.
En revanche, la non révélation à l'EUIPO de l'existence du brevet dont il était titulaire et qui a expiré antérieurement au dépôt des marques est inopérante à caractériser sa mauvaise foi, le déposant n'ayant aucune obligation d'information de l'Office dans le cadre de la procédure d'examen quant aux droits de propriété industrielle antérieurs dont il serait titulaire, alors que les motifs de refus opposés par l'office étaient fondés sur la seule absence de caractère distinctif des signes en cause.
CA Paris, pôle 5, 2e ch., 25 juin 2021, 18/15306 (M20210157)
Ceramtec GmbH c. Coorstek Bioceramics LLC
(Confirmation partielle TGI Paris, 3e ch., 4e sect., 22 févr. 2018, 14/05292)