d’après l’article de Dariush Adli1 : Patentability of medical treatment methods, in IPM, novembre 2019, p. 58-59
En jugeant, dans un arrêt partagé, qu’une méthode de traitement thérapeutique n’était pas brevetable, la Cour d’appel du circuit fédéral (CAFC) a créé un revirement de jurisprudence.
Le litige à l’origine de l’arrêt de la Cour est une action en contrefaçon lancée par le laboratoire pharmaceutique Malliinckrodt contre Praxair. Le brevet litigieux porte sur une méthode pour réduire le risque d’œdème pulmonaire lié au traitement inhalé à l’oxyde nitrique (traitement iNO) chez les enfants souffrant d’hypoxémie.
L’auteur rappelle que l’article 101 de la loi sur les brevets exclut de la brevetabilité les lois de la nature, les phénomènes naturels et des idées abstraites. L’examen de la brevetabilité se fait en deux étapes : l’invention porte-t-elle sur un concept non brevetable tel qu’un phénomène naturel ? Si tel est le cas, l’invention comporte-t-elle des fonctions, des caractéristiques ou des aspects capables de transformer le phénomène naturel au point de rendre l’invention brevetable ?
La méthode qui fait l’objet de la demande consiste à identifier, parmi les candidats au traitement, les patients susceptibles de mal réagir à ce traitement, à les exclure et à appliquer le traitement aux patients qui n’ont pas été exclus.
La majorité des juges de la CAFC ont considéré que l’invention n’était pas brevetable parce qu’elle portait sur un phénomène naturel et que l’invention ne consistait qu’à s’abstenir d’administrer un traitement à un groupe identifié. Les juges ont considéré que s’abstenir d’administrer un traitement n’équivalait pas à administrer un traitement de façon active car cela revenait à laisser faire la nature dans le groupe qui n’était pas traité. Les juges ont rejeté l’argument de Malliinckrodt selon lequel l’étape de l’exclusion n’était pas comprise dans l’état de la technique et que le fait d’inclure cette étape dans la combinaison revendiquée, comportant également l’étape du traitement, n’était pas une loi de la nature.
Dans son opinion dissidente, la juge a fait remarquer que la CAFC avait précédemment considéré brevetable ce genre de méthode de traitement thérapeutique. Selon la juge, cette méthode ne pouvait pas être qualifiée de loi de la nature ou de phénomène naturel non protégeable étant donné qu’elle « n’existait pas dans la nature » et qu’elle « était conçue et appliquée par des humains ». Par ailleurs, la juge a reproché à la majorité des juges de ne pas avoir appliqué la méthode imposée par l’arrêt Mayo de la Cour suprême selon lequel la brevetabilité doit être analysée selon l’examen des revendications dans leur ensemble et non à partir d’éléments séparés.
L’auteur cite trois affaires où la CAFC a conclu à la brevetabilité de la méthode de traitement thérapeutique. Dans l’arrêt Vanda, le brevet portait sur une méthode de traitement de la schizophrénie à partir de la relation naturelle entre le médicament iloperidone, utilisé pour traiter la schizophrénie, et les risques cardiaques chez certains patients. La méthode était relative à la préconisation d’un certain dosage du médicament pour les patients à risque. Dans l’affaire Natural Alternatives2, l’invention consistait à administrer un dosage précis de bêta-alanine pour augmenter la production de créatine et améliorer ainsi les performances d’un athlète durant un exercice intensif. Enfin, dans l’arrêt Endo Pharmaceuticals, le brevet portait sur une méthode pour traiter la douleur chez les patients souffrant d’une pathologie rénale et sur le dosage du médicament pour traiter cette douleur.
L’auteur souligne que dans ces trois affaires, l’invention consistait à identifier un phénomène naturel, sélectionner les patients correspondant à un état spécifique, utiliser cet état pour décider du traitement à prendre selon les patients sélectionnés. La Cour a donc estimé que le fait de sélectionner un groupe de patients pour un traitement peut constituer une invention nouvelle et utile qui peut être brevetable, malgré l’existence d’un brevet antérieur divulguant la méthode de traitement à des patients en général. L’auteur conclut que l’arrêt Malliinckrodt3 constitue une rupture de la jurisprudence de la CAFC.
1 Adli Law Group.
2 Voir compte rendu dans PIBD 2019, 1115, IV-72.
3 Saisie, la Cour suprême a refusé de statuer (6 avril 2020).