Doctrine et analyses
Comptes rendus

Indications géographiques : triomphe de l'approche européenne ?

PIBD 1136-II-2

d’après l’article d’Adrián Esquivel1 : A brave old world?, in IPM, mars 2020

Texte

Aux confins du commerce international et de la politique agricole, les indications géographiques suscitent l’intérêt de gouvernements désireux de protéger et développer leur secteur rural à l’ère de la mondialisation. Rapide état des lieux de ces signes distinctifs en mal d’harmonisation internationale.

L’Union européenne dispose d’un régime de protection sui generis et œuvre à la reconnaissance des indications géographiques européennes, notamment dans le cadre d’accords commerciaux avec des pays tiers. À plusieurs reprises récemment, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a précisé la portée de la protection des indications géographiques protégées (IGP) et des appellations d’origine protégées (AOP) dans des arrêts2 qui mettent en lumière leur différence avec les marques.

L’harmonisation internationale est à ce jour embryonnaire. L’accord sur les ADPIC prévoit la protection des indications géographiques mais laisse les membres libres d’opter pour un système sui generis ou autre. Les États-Unis s’en tiennent, quant à eux, aux marques collectives et de certification. L’arrangement de Lisbonne n’a attiré que peu de parties contractantes ; la souplesse introduite dans le système via l’acte de Genève permettra peut-être un plus grand nombre d’adhésions. Notons que l’UE y a adhéré fin 20193.

Le retrait relatif des États-Unis de la scène internationale a contribué à renforcer l’influence de l’UE et favoriser la diffusion de sa conception des indications géographiques. Des accords ont été signés avec le Canada et le Japon ; l’Amérique latine et l’Inde misent sur ces titres pour développer leur secteur agricole ; l’Union africaine s’y intéresse. L’approche sui generis semble également faire son chemin en Chine, deuxième économie mondiale.


Néanmoins, l’absence d’harmonisation internationale est un obstacle à la reconnaissance des indications géographiques à l’étranger et, même au sein de l’UE, il existe des différences importantes en matière de défense des droits. Aussi le droit des marques, plus largement harmonisé, demeure-t-il un outil extrêmement utile, même si les marques et les indications géographiques sont de nature différente et répondent à des objectifs différents.

Rappelant que l’accord sur les ADPIC a souvent été vu comme un instrument au service des intérêts des pays développés, États-Unis en tête, A. Esquivel fait observer que les indications géographiques pourraient faire figure d’exception : à l’heure où les consommateurs sont de plus en plus attachés à l’origine des produits, de nombreux pays, développés ou en développement, y voient une façon de protéger la culture locale et les moyens de subsistance de communautés rurales. Cela dit, les progrès de l’harmonisation internationale restant improbables tant que les États-Unis ne se « convertiront » pas, les producteurs devront continuer à s’accommoder d’un paysage juridique complexe.

1 Esquivel & Martín Santos, Madrid.
2 Affaires C-44/17, C-432/18 (PIBD 2020, 1131, III-80) et C-614/17 (PIBD 2019, 1118, III-304)
3 Voir PIBD 2019, 1127, I-65.