Jurisprudence
Marques

Intérêt à agir en déchéance de la marque VERONESE - Preuve de l’usage sérieux pour des meubles ou objets de décoration haut de gamme faisant l’objet d’une commercialisation confidentielle

PIBD 1196-III-6
CA Paris, 28 octobre 2022

Demande en déchéance - Recevabilité (oui) - Intérêt à agir non requis - Recours contre décision INPI - Effet dévolutif

Déchéance partielle de la marque (oui) - Usage sérieux - Éléments de preuve - Période de référence - Articles de presse - Document en langue étrangère - Exploitation sur le territoire français - Exploitation limitée - Publicité - Usage à titre de marque - Usage pour des produits complémentaires - Catégorie générale - Luxe

Texte
Marque n° 3 676 396 de la société Veronese
Texte

L'article L. 716-3, al. 1, du CPI, issu de la transposition de l'article 45 de la directive (UE) 2015/2436, dispose que les demandes en déchéance de marques fondées sur les articles L. 714-5, L. 714-6, L. 715-5 et L. 715-10, formées devant l'INPI, sont introduites par toute personne physique ou morale. En conséquence, le demandeur n'a pas à justifier de son intérêt à agir[1]. Ce défaut d'intérêt à agir ne peut pas davantage être invoqué devant la cour saisie d'un recours en réformation contre la décision du directeur général de l'INPI. Celle-ci ne dispose pas de plus de pouvoir que le directeur général de l'INPI et n'a donc pas à apprécier cet intérêt à agir en déchéance, ce quand bien même ce recours a un effet dévolutif et est instruit et jugé conformément aux règles de procédure civile.

Contrairement à ce qui a été décidé par l’INPI, qui a considéré que les trois factures fournies concernant la vente de tables et de chaises portaient sur des volumes très faibles, même en tenant compte du caractère artisanal et haut de gamme des produits, la demande en déchéance des droits sur la marque VERONESE est rejetée pour les « meubles, tables, consoles, guéridons, chaises, tabourets ». Les pièces produites devant la cour d’appel montrent en effet que, durant la période pertinente, la société titulaire s’est lancée dans le mobilier avec un tabouret ou meuble d'appoint en verre soufflé appelé « Memento », réalisé par un designer. Cette création a fait l'objet de divers articles dans la presse spécialisée dans la décoration intérieure. Ainsi, outre la commercialisation de meubles de grande qualité, de façon certes confidentielle, la titulaire a largement communiqué, dans la période de référence, sur la diversification de son activité vers le mobilier et le lancement notamment d'un meuble d'appoint, le nom « Veronese » étant utilisé pour indiquer l'origine de ce meuble au côté du nom « Memento ». Il importe peu qu’aucune facture de commercialisation ou catalogue n'aient été produits au débat concernant ce meuble en particulier.

Il n’est pas contesté que la titulaire de la marque n’est pas déchue de ses droits concernant notamment les « tubes à décharges électriques pour l'éclairage, appareils et installations d'éclairage, lampes d'éclairage, lampadaires, lampes électriques, globes de lampes, manchons de lampes, tubes de lampes, verres de lampes ». En revanche, elle est déchue de ses droits pour d’autres produits des classes 11, 20 et 21. Elle doit en effet démontrer l’usage de sa marque pour chacun des produits visés à l’enregistrement. Les preuves d'usage fournies pour les « lustres, lampes d'éclairage, lampadaires, plafonniers » ne suffisent ainsi pas à démontrer l'usage de cette marque pour les « bougeoirs, candélabres, chandeliers » qui désignent des supports de bougies ou de chandelles, la discussion sur la possibilité d'électrifier les chandeliers qui ne sont pas seulement équipés de bougies en cire étant à cet égard inopérante. En outre, une pièce fournie devant la cour qui porte sur la vente de deux bougeoirs à une société située aux Pays-Bas n'est pas suffisante, s'agissant d'un usage unique, à caractériser un usage sérieux pour les produits d'éclairage et de décoration qui sont des produits de consommation courante, et ce quand bien même ces produits seraient haut de gamme et commercialisés à des prix élevés.

Faute de preuves d’usage, la déchéance ne peut pas non plus être écartée pour les « abat-jour, ampoules d'éclairage, diffuseurs (éclairage), lampes électriques pour arbres de Noël, réflecteurs de lampes, lampions... » sous prétexte qu'ils entreraient dans la catégorie générale des « lampes ». Par ailleurs, aucune pièce n'est fournie pour démontrer l'exploitation de la marque pour distinguer les « objets d'art en porcelaine, en terre cuite ou en verre ». La titulaire ne peut utilement prétendre que l'usage sérieux pour des lampes qu'elle considère comme des œuvres d'art vaut pour les objets d'art en différentes matières visés à l'enregistrement. Il s’agit en effet de produits différents, ce quel que soit le caractère esthétique et haut de gamme des luminaires en question, créés pour certains par des designers, les lampes étant d'abord acquises et commercialisées pour leur fonction d'éclairage.

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 28 octobre 2022, 21/14713 (M20220291)[2]
Veronese SAS c. INPI et Veronese Design Company Ltd
(Infirmation partielle décision INPI, 28 juin 2021, DC20-0066 ; DC20200066)

[1] Depuis la mise en place, le 1er avril 2020, de la procédure administrative en déchéance, l’intérêt à agir n’est plus un critère de recevabilité pour les demandes en déchéance lorsqu’elles sont présentées devant l’INPI. Si la demande exercée à titre principal relève désormais en principe de la compétence exclusive de l’INPI, les tribunaux judiciaires restent compétents pour les demandes formées à titre reconventionnel ou qui sont connexes à une autre action relevant de leur compétence exclusive, pour lesquelles la preuve de l’intérêt à agir demeure requise en application des règles de procédure civile.

[2] Deux arrêts similaires ont été rendus le même jour par la même juridiction sur des demandes de la société Veronese Design Company en déchéance d’une autre marque verbale VERONESE (CA Paris, pôle 5, 2e ch., 28 oct. 2022, 21/14704 ; M20220293) et d’une marque semi-figurative VERONESE (CA Paris, pôle 5, 2e ch., 28 oct. 2022, 21/14712 ; M20220292) appartenant à la société Veronese.