Jurisprudence
Brevets

Intérêt des consommateurs du médicament Lévothyrox à agir en nullité du brevet couvrant sa nouvelle formule

PIBD 1188-III-2
CA Paris, 4 février 2022

Recevabilité de l’action en nullité d’un brevet européen (non) - Personnes physiques et association - Intérêt à agir - Médicament - Lien de causalité entre l’action et le résultat escompté

Texte

Les personnes se présentant comme des patients ayant subi des effets secondaires liés à la consommation de la nouvelle formule du Lévothyrox et une association de défense des personnes sous traitements médicamenteux régulant les dysfonctionnements de la thyroïde ne justifient pas d’un intérêt à agir en nullité de la partie française du brevet européen mis en œuvre pour la fabrication et la commercialisation de ce médicament.

L'intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention (article 31 du Code de procédure civile) s'entend d'un intérêt personnel, né et actuel. Ainsi, une personne ne peut agir en justice que dans la mesure où la violation d’un droit l’atteint dans ses intérêts propres et le résultat de l'action lui profitera personnellement, en améliorant sa situation juridique et/ou économique. En outre, le lien de causalité entre l'action et son résultat escompté se doit d'être suffisant pour justifier le recours au juge.

En l’espèce, l'objectif recherché par les demandeurs est d'obtenir du titulaire du brevet qu’il remette sur le marché l'ancienne formule du Lévothyrox, qu’il commercialiserait aux côtés de la nouvelle formule. Selon eux, un tel objectif ne pourrait être atteint tant que le monopole d'exploitation que lui confère le brevet lui permet de réaliser sur le médicament breveté des marges beaucoup plus avantageuses. Or, la commercialisation d'un médicament n'est pas subordonnée à l'existence d'un brevet pour ce médicament, mais à l'octroi d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) et le Lévothyrox ancienne formule ne bénéficie plus d'une AMM en France.

Il en découle que l'action en nullité de la partie française du brevet, si elle aboutissait, ne permettrait pas de reprendre, ipso facto, la commercialisation du Lévothyrox ancienne formule, pas plus qu'elle n'entraînerait le retrait du marché du Lévothyrox nouvelle formule, dès lors que ce médicament bénéficie d'une AMM en vigueur. Ainsi, le lien de causalité entre l'action et le résultat escompté apparaît purement hypothétique.

Cour d'appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 4 février 2022, 20/07061 (B20220057)
Anne-Catherine C.-C., Ghislaine A., Association Alerte Thyroïde et al. c. Merck Patent GmbH
(Confirmation TGI Paris, 3e ch., 3e sect., 24 janv. 2020, 18/14575 ; B20200005 ; PIBD 2020, 1133, III-109)