Action en concurrence déloyale et en responsabilité contractuelle - Intervenant volontaire - Recevabilité (oui) - Cessionnaire des actifs des sociétés demanderesses
Action en revendication de la propriété des brevets - Recevabilité (oui) - Brevets déchus - Preuve
Apport de titres - Convention de garantie d’actif et de passif - Accord conclu avec des investisseurs - Clauses relatives aux droits de PI - 1°) Manquement aux obligations contractuelles (oui) - Dépôt d’un brevet européen et d’un brevet américain sous priorité d’un brevet français - Transfert de propriété - Remboursement des frais de dépôt (non) - 2°) Faute dolosive (non) - Informations sur l’existence du brevet français
Dans le cadre d’une opération d’investissement à laquelle ont participé des fonds communs de placement dans l’innovation, une société innovante, spécialisée dans la conception et la commercialisation d'outils et de simulateurs électroniques pour l'aviation, a bénéficié d’un apport de titres d'une autre société. Le fondateur et dirigeant de celle-ci a conclu à cette occasion une convention de garantie d’actif et de passif, en qualité de garant, et, avec les investisseurs, un « pacte d’actionnaires ». Il est indiqué dans cette dernière convention que la réalisation de l’opération d’investissement est convenue sous réserve de la pleine propriété, par la société innovante, des droits de propriété intellectuelle nécessaires à son activité et à son développement, ainsi qu'en considération des engagements pris en vertu de la convention de garantie d'actif et de passif, le fondateur garantissant qu'il ne détient aucun brevet d'invention lui permettant de revendiquer un droit sur un quelconque dispositif ou procédé mis en œuvre dans les activités de sa société.
Il n’est établi aucune faute de la part du fondateur pour avoir plus tard déposé deux brevets européen et américain, relatifs à un dispositif d'échange de données entre des applications, sous priorité d’un brevet français lui appartenant. Il avait en effet déposé, à titre personnel, ce brevet avant la conclusion des conventions précitées et n’en avait pas caché l’existence, le contrat de sous-licence accordé à la société dont il est le fondateur ayant été joint à la convention de garantie. Il n’en demeure pas moins que les dispositions contractuelles expresses et non équivoques des conventions établissent clairement la volonté des parties de transférer à la société innovante les droits de propriété intellectuelle nécessaires à son activité et à son développement. En conséquence, en s’opposant au transfert du brevet européen, dont la partie française a remplacé la demande française initiale, et du brevet américain, le fondateur a violé ses engagements contractuels. Il devra donc effectuer toutes les démarches nécessaires au transfert de la propriété des brevets litigieux à la société demanderesse.
Le fondateur n'a pas exercé de manœuvres dolosives. Il n'est pas justifié qu’il aurait menti aux investisseurs à propos de l'existence des brevets litigieux, alors que les documents relatifs à la licence et la sous-licence du brevet français étaient joints en annexe à la convention de garantie d'actif et de passif. Il n'est ainsi pas démontré que les investisseurs, qui sont des professionnels rompus aux négociations de tels contrats et qui ont connaissance des enjeux de propriété intellectuelle, n'auraient pas investi ni conclu le pacte d'actionnaires s'ils avaient su que le brevet appartenait en propre à leur cocontractant.
Cour d'appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 22 février 2022, 19/18469 (B20220026)[1]
Christian G c. Jérémie LR SAS, FCPR Innovacom 6, Fond régional de co-investissement Île de France - FRCI et al.
(Confirmation T. com. Évry, 4e ch., 19 sept. 2019, 16/00324)
[1] Dans la même affaire, la compétence du tribunal de commerce d'Évry a été précédemment discutée et reconnue en appel (CA Paris, pôle 1, 1re ch., 17 oct. 2017, 17/01407 ; B20170150). Cette décision est citée dans la rétrospective jurisprudentielle faite par S. Lepoutre sur la compétence des tribunaux pour connaître des actions en responsabilité délictuelle ou contractuelle ayant un lien avec un droit de propriété intellectuelle, publiée sous : CA Paris, pôle 5, 1re ch., 28 janv. 2020, Hydro Building Systems France SARL c. Saint-Gobain Seva SAS, 2019/08700 (B20200025 ; PIBD 2020, 1145, III-1). Sur cette question, voir également : Cass. com., 14 oct. 2020, Alfred Kärcher SE & Co. KG et al. c. Vic Van Rompuy, 18-21.419 (M20200201 ; PIBD 2020, 1149, III-6).