Doctrine et analyses
Comptes rendus

Intrusions dans les réunions Zoom

PIBD 1149-II-2

d'après l'article de Robert J. Sovesky* : Zoom bombing, in IPM, novembre 2020, p. 16-17

Texte

Les outils de visioconférence ont connu un essor exponentiel depuis la pandémie due au Covid-19. L’échange d’informations confidentielles via des systèmes mal sécurisés peut avoir des conséquences sur les droits de propriété intellectuelle. L’auteur examine ici le cas des brevets et des secrets d’affaires.

Des failles de sécurité ont été observées avec le phénomène du Zoom bombing où une personne extérieure à la réunion parvient à s’infiltrer. Cette personne peut alors visualiser et copier les contenus échangés lors de la réunion, ou enregistrer les conversations.

Cette perte de confidentialité est particulièrement un problème pour les secrets d’affaires. La condition de leur protection en tant que tels est en effet que des mesures raisonnables aient été prises pour garder l’information secrète. Dès lors qu’une information partagée lors d’une réunion virtuelle est accessible par une tierce personne non autorisée, elle n’est plus secrète.

Dans l’affaire Smash Franchise Partners, LLC c. Kanda Holdings, un tribunal du Delaware a jugé que Smash n’avait pas pris des mesures raisonnables pour assurer la confidentialité de la réunion Zoom et qu’il ne pouvait donc prétendre à la protection, en tant que secrets d’affaires, des informations dont il avait été question pendant la réunion. En effet, Smash avait largement diffusé les informations sur la tenue de la réunion, il avait utilisé le même code pour toutes ses réunions Zoom et n’avait exigé aucun mot de passe pour participer. Il n’avait pas non plus utilisé la fonction salle d’attente qui aurait permis de vérifier l’identité des participants avant qu’ils ne rejoignent la réunion et il n’avait pas fait l’appel des participants.

En ce qui concerne les brevets, l’article 102(a) du titre 35 du Code des États-Unis dispose qu’une invention ne peut faire l’objet d’un brevet si elle a été divulguée au préalable dans une « publication imprimée ». Si l’information divulguée durant une réunion virtuelle est considérée comme une publication imprimée, elle ne pourra donc plus faire l’objet d'un dépôt de demande de brevet.

L’auteur passe en revue la jurisprudence sur la notion de publications imprimées. Dans l’affaire Klopfenstein, une présentation orale ou l’affichage éphémère de diapositives n’ont pas été considérés comme des publications imprimées. Il en a été décidé de même pour les documents distribués au sein d’une organisation et destinés à rester confidentiels et ce, quel que soit le nombre de copies distribuées (affaire George).

En revanche, si les informations pour se connecter à une réunion virtuelle ou les documents qui y sont présentés sont diffusés en dehors de l’organisation sans intention de confidentialité, la réunion en elle-même ou les documents peuvent être qualifiés de publications imprimées (affaire Wyer). Si des copies de diapositives présentées lors de la réunion ou si des enregistrements sont diffusés en dehors de l’organisation, ils seront considérés comme des publications imprimées (affaire Massachusetts Institute of Technology).

Pour statuer sur ce qui relève de la publication imprimée, les tribunaux examinent plusieurs critères : la durée d’exposition des documents, le niveau d’expertise du public, le fait qu'on puisse ou non raisonnablement penser que les documents ne seront pas copiés et la facilité avec laquelle les documents peuvent être copiés (affaire Klopfenstein). Le fait que vous puissiez techniquement être victime d’un Zoom bombing ne fait pas de vos documents des publications imprimées (affaire Acceleration Bay). On attend cependant de vous que vous fassiez preuve de « diligence raisonnable » concernant la confidentialité de vos réunions virtuelles (affaire Blue Calypso).

Que ce soit pour les brevets ou les secrets d’affaires, l’auteur énumère en détail les mesures à prendre afin d’assurer la sécurité d’une réunion en ligne, aux différents stades de la réunion et après celle-ci.

* K&L Gates, Pittsburgh.