Doctrine et analyses
Comptes rendus

Révolution sur les mers

PIBD 1149-II-1

d’après l’article de Philip Roche* et Peter McBurney* : Sea change, in IPM, octobre 2020, p. 24-25

Texte

Devant faire face à de nombreux défis, le transport maritime est à la veille d’une mutation de fond. Dans ce contexte, l’intelligence artificielle, l’apprentissage automatique et les systèmes autonomes sont appelés à jouer un rôle de premier plan. Les auteurs donnent un aperçu des implications en matière de données et de propriété intellectuelle.

Le développement de systèmes autonomes capables de gérer divers paramètres (gros temps, visibilité réduite, imprévisibilité de l’espace marin, communications radio…) progresse rapidement, la construction de prototypes de navires autonomes est d’ores et déjà une réalité, des essais sont réalisés en mer. Les enjeux économiques sont élevés.

Compte tenu de la multiplicité des données en jeu (réglementation, données météorologiques, données de navigation, caractéristiques de manœuvre, pour n’en citer que quelques-unes), les systèmes d’intelligence artificielle utilisent des données provenant de sources diverses.

Cela pose la question de la propriété des données et d’éventuels droits sur celles-ci. Les fournisseurs de données détiennent-ils des droits – lesquels ? – sur les données produites par le système ? Sont-ils autorisés à utiliser le système entraîné ? Exemple du secteur de la finance à l’appui, P. Roche et P. McBurney soulignent l’importance, dans le cadre du déploiement d’algorithmes d’intelligence artificielle, de connaître les sources des données et les droits y afférents.

Au fur et à mesure que seront déployées des applications, les données produites par un système serviront à en alimenter un autre, et ainsi de suite. Aussi ces questions seront-elles de plus en plus cruciales. Les auteurs font observer que la collaboration et le partage de données, via des technologies comme la blockchain ou d’autres registres distribués, prendraient ici tout leur sens. Voilà toutefois qui bousculerait les habitudes d’un secteur jusque-là peu enclin au partage de données et de savoir-faire.

Il apparaît primordial de rédiger avec soin les contrats régissant les relations entre les différentes parties prenantes, tout particulièrement en ce qui concerne les données et la propriété intellectuelle.

La question de la titularité des brevets risque fort d’être malaisée à trancher. En admettant même qu’un système d’intelligence artificielle puisse être considéré comme propriétaire d’une invention, quid de la responsabilité en cas de contrefaçon en l’absence de personnalité juridique ? Le titulaire devrait-il plutôt être le développeur du logiciel ? Le propriétaire du navire ? L’entreprise d’intelligence artificielle ? Les auteurs concluent sur ce point en signalant que certains pays, notamment Malte, réfléchissent à la possibilité de reconnaître la personnalité juridique à des algorithmes d’intelligence artificielle.

* Norton Rose Fulbright, Londres.