Doctrine et analyses
Compte rendu

La Défense des secrets d’affaires en Italie : un système performant

PIBD 1224-II-1

d’après l’article de Maia Biermann : Inside Italy’s advanced trade secrets enforcement ecosystem, in IAM, 15 mars 2024

Texte

En matière de défense des secrets d’affaires, l’Italie est citée en exemple. S’appuyant sur un rapport de l’EUIPO, l’International IP Index et les témoignages d’experts, l’auteure explique que le système italien se distingue par sa transparence et sa maturité.

Selon un rapport de l’EUIPO sur les litiges relatifs aux secrets d’affaires en Europe, les affaires introduites devant les juridictions italiennes connaissent un taux de succès élevé et un faible taux d’appel. Sur les 151 procédures italiennes engagées entre le 1er janvier 2017 et le 31 octobre 2022, 11 % seulement ont fait l’objet d’appels. En comparaison, la France a connu 52 affaires avec un taux d’appel de 76 %, l’Allemagne 39 affaires avec un taux d’appel de 53 %. Le taux de succès en Italie est de 41 % alors qu’il n’est que de 27 % en moyenne en Europe.

Contrairement à la plupart des pays où les affaires relatives aux secrets d’affaires sont introduites devant une juridiction civile, ce sont les chambres spécialisées en PI des tribunaux qui connaissent de ces affaires en Italie. Le pays est également connu pour rendre les jugements prononcés en première instance facilement accessibles.

Une des raisons avancées du succès du système italien est que le pays avait légiféré dès 2004, bien avant la transposition, en 2018, de la directive sur les secrets d'affaires. Ainsi, les articles 98 et 99 du Code de la propriété industrielle ont repris les dispositions de l’article 39 de l’accord sur les Adpic.

Cette avance a permis à l’Italie de développer sa jurisprudence avant l’adoption de la directive. Le pays bénéficiant déjà d’une solide protection au moment de la transposition de la directive, les mises à jour du Code de la propriété industrielle et du Code pénal ont été minimes mais la transposition a permis de renforcer la sensibilisation à la protection des secrets d’affaires.

Bien que la directive ne traite pas de sanctions pénales, deux modifications ont été apportées au Code pénal qui montrent bien l’engagement de l’Italie dans la défense des secrets d’affaires. Ainsi, l’article 623 prévoit des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à deux ans en cas d’obtention illicite, d’usage et de divulgation de secrets d’affaires. Par ailleurs, la loi italienne punit plus sévèrement les infractions commises au moyen d’outils numériques.

Selon le rapport de l’EUIPO, au moins 19 demandeurs ont obtenu des dommages-intérêts au cours de la période étudiée, avec un maximum de 2,5 millions d’euros. Cette somme a été dépassée depuis par le tribunal d’Ancône qui a octroyé 4,5 millions de dommages-intérêts au demandeur. Dans cette affaire, l’ancien dirigeant d’une société avait copié les formules chimiques de la société, qu’il avait ensuite utilisées pour lancer sa propre activité.

Le rapport de l’EUIPO révèle également qu’une action en concurrence déloyale est souvent engagée parallèlement afin d’augmenter ses chances de succès (article 2598, n° 3 du Code civil). De plus, la jurisprudence a développé un régime spécial pour les employés et pour les employeurs qui profitent des actes de concurrence déloyale de leurs employés au détriment des concurrents de l’employeur : ils sont considérés comme solidairement responsables s’ils ont agi de concert ou si l’on peut raisonnablement le supposer.

Un des experts rapporte cependant que les tribunaux italiens se montrent plus exigeants qu’auparavant. En particulier, ils appliquent des critères plus stricts pour qualifier de secrète une information et pour vérifier que des mesures adéquates ont été prises pour sa protection. Par ailleurs, ils ne concluent pas à la concurrence déloyale du simple fait qu’un secret d’affaires a été violé, des circonstances précises sont requises.

Il reste que l’action engagée sur le fondement du Code de la propriété industrielle reste la voie privilégiée, d’autant que cette voie permet d’utiliser les moyens efficaces utilisés pour d’autres droits de PI, en particulier la description (descrizione). Cette procédure ex parte permet à un huissier, au représentant du demandeur et à un expert technique, le cas échéant, de recueillir des preuves de l’appropriation du secret sur les lieux du dommage.

Concernant les perspectives d'avenir, les experts parient que le nombre élevé des affaires incitera toujours plus les entreprises à prendre des mesures adéquates pour protéger leurs secrets d’affaires et à les défendre devant la justice.

1Directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d'affaires) contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites.

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Les opinions exprimées dans les articles cités n’engagent que leurs auteurs et ne représentent pas la position de l’INPI.