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La révision de l’accord de Bangui

PIBD 1158-IV-1
Par Caroline Rolshausen
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Par Caroline Rolshausen, conseillère régionale INPI pour l’Afrique1

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L'accord de Bangui, régissant la propriété intellectuelle au sein de l’espace de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI), a été révisé en décembre 2015 afin de le rendre conforme au nouvel environnement juridique mondial, et propice au développement économique et social des États membres de l’OAPI. Cette révision, qui est entrée en vigueur en novembre 2020, implique des modifications profondes qui devraient améliorer la fiabilité des titres, mieux garantir leur respect, et faciliter la lutte contre la contrefaçon.

1. L’accord de Bangui régit la législation en matière de propriété intellectuelle dans les dix-sept pays de la zone OAPI

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L'accord portant création de l'Office africain et malgache de la propriété industrielle (OAMPI) a été signé lors de la conférence du 13 septembre 1962 à Libreville. Cet accord a été révisé à Bangui (République centrafricaine) le 2 mars 1977, pour donner naissance à l'Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI).

 

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Les 17 pays de l'Accord de Bangui
Bénin - Burkina Faso - Cameroun - Centrafrique - Comores - Congo - Côte d’Ivoire - Gabon - Guinée - Guinée Bissau - Guinée équatoriale - Mali - Mauritanie- Niger - Sénégal - Tchad - Togo
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L’accord de Bangui régit ainsi la propriété intellectuelle dans les dix-sept pays de la zone. Que ce soit en matière de brevets, de modèles d’utilité, de marques et de dessins et modèles, un seul dépôt auprès de l’un des États membres est suffisant pour obtenir la protection d'un titre dans les dix-sept États membres, avec une procédure centralisée au sein du siège de l’OAPI à Yaoundé (Cameroun). Cet accord sert de loi nationale pour chacun des États : il n’y a pas de systèmes nationaux de délivrance qui coexistent avec le système régional.

Cet accord comporte dix annexes définissant l’ensemble des objets régis :

  • les brevets d’invention (annexe I) ;
  • les modèles d’utilité (annexe II) ;
  • les marques de produits ou de services (annexe III) ;
  • les dessins et modèles industriels (annexe IV) ;
  • les noms commerciaux (annexe V) ;
  • les indications géographiques (annexe VI) ;
  • la propriété littéraire et artistique (annexe VII) ;
  • la protection contre la concurrence déloyale (annexe VIII) ;
  • les schémas de configuration (topographies) de circuits intégrés (annexe IX) ;
  • la protection des obtentions végétales (annexe X).

La gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins est confiée aux organismes de gestion collective dans les États membres, mais l’harmonisation de l’accord de Bangui avec les législations nationales n’est pas forcément respectée.

Les décisions judiciaires définitives, rendues sur la validité des titres dans l'un des États membres, font autorité dans tous les autres États, exceptées celles fondées sur l'ordre public et les bonnes mœurs. L’atteinte aux droits dans le système OAPI après la délivrance des titres est gérée par les juridictions nationales : les sanctions des atteintes aux droits de propriété intellectuelle sont du ressort de chaque État membre.

Le 24 février 1999, l'accord de Bangui a été révisé une première fois pour mettre en conformité la législation avec les conventions internationales, et notamment l'accord sur les ADPIC. Cette révision est entrée en vigueur le 28 février 2002.

2. La révision de l’Accord, adoptée en 2015, est entrée en vigueur suite à la ratification des deux tiers des pays membres

La nouvelle révision de l’accord de Bangui, l’acte de Bamako du 14 décembre de 2015, entrée en vigueur en novembre 2020, apporte de nombreux changements à la législation actuelle.

i. Ajout de nouveaux membres

Il s’agit des Comores et de la Guinée équatoriale qui n’étaient pas signataires au moment de la première révision de l’acte de Bangui.

ii. Ajout de nouveaux traités internationaux

  • arrangement de Vienne ;
  • protocole relatif à l’arrangement de Madrid ;
  • traité de Singapour sur le droit des marques ;
  • traité de l’OMPI sur le droit d’auteur ;
  • traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes ;
  • traité de Marrakech au profit des aveugles et déficients visuels ;
  • arrangement de Nice sur la classification internationale des marques ;
  • arrangement de Locarno sur la classification internationale des dessins et modèles ;
  • arrangement de Strasbourg sur la classification internationale des brevets

iii. Création d’un centre d’arbitrage et de médiation

Les missions de l’OAPI ont été élargies à l’arbitrage et à la médiation comme moyen alternatif de règlement des litiges en matière de propriété intellectuelle. Un centre de médiation et d’arbitrage a été ainsi créé, rattaché à la direction générale de l’organisation.

iv. La clarification des missions de l’OAPI

L’OAPI, dans sa participation au développement économique de ses pays membres, est chargée de :

  • promouvoir l’innovation et la technologie ;
  • promouvoir la protection des indications géographiques ;
  • promouvoir la protection des expressions culturelles traditionnelles et des savoirs traditionnels.

v. Prorogation de la période transitoire pour les PMA [pays les moins avancés]

La période transitoire en ce qui concerne les brevets spécifiques aux produits pharmaceutiques a été prorogée pour les pays les moins avancés de l’OAPI (tous les pays OAPI sauf Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon et Guinée équatoriale), jusqu’à la date du 1er janvier 2033. Les PMA peuvent ainsi choisir de protéger ou non les brevets pour les produits pharmaceutiques et les données relatives aux essais cliniques avant cette date.

vi. La procédure de délivrance des titres

Les titres de propriété industrielle seront délivrés après un examen quant au fond des critères des motifs de délivrance. Cela est particulièrement important pour les brevets d’invention pour lesquels un rapport de recherche préliminaire sera désormais effectué. Le brevet sera délivré si, et seulement si, l’invention est nouvelle et inventive.

Toute demande de titre sera désormais publiée avant enregistrement.

Un régime de copropriété des titres est instauré quelque soit le titre.

Les contentieux (opposition et revendication de propriété) seront possibles dès la publication des demandes, et ce avant leur enregistrement, avec un effet positif sur la fiabilisation des titres. Le délai d’opposition de marque se verra réduit de moitié pour ne pas entraver la procédure d’enregistrement.

Chaque titre de propriété industrielle devra être divisé s’il n’y a pas unité d’invention/création.

Concernant les marques, une demande unique d’enregistrement pour des produits et/ou services sera désormais mise en place : le déposant ne devra plus faire de choix dans ces catégories. De plus, de nouveaux signes seront admis au titre des marques (signes sonores, audiovisuels, marques en série et marques collectives de certification).

vii. L’admission des indications géographiques transfrontalières

La reconnaissance d’une indication géographique ne sera plus limitée à un pays, mais pourra être partagée par un ou plusieurs pays (cas des aires géographiques sur deux ou plusieurs États). Un cahier des charges approfondi sera désormais exigé.

viii. Le régime de l’épuisement international du droit

L’épuisement international du droit représentera une des limitations au droit conféré par les titres de propriété industrielle, favorisant bien plus la concurrence qu’un épuisement national.

ix. Le droit d’auteur

L’annexe VII relative aux droits d’auteur et droits voisins deviendra la norme minimale à respecter par tous les États membres. Ainsi, elle ne sera plus uniquement indicative et garantira un niveau minimum de protection des œuvres.

x. La lutte contre la contrefaçon

Le dispositif de lutte contre la contrefaçon est renforcé dans le cadre de la révision de l’accord de Bangui. Parmi les changements : les mesures aux frontières, l’aggravation des peines (multiplication par cinq du quantum des amendes, prise en compte des bénéfices dans la fixation des dommages et intérêts), le renforcement des pouvoirs d’instruction (intervention d’office de la douane), le renversement de la charge de la preuve et la prise de mesures provisoires (retenue en douane). Ces dispositions s’appliquent à tous les titres de propriété industrielle.

Cette nouvelle législation devrait permettre à l’OAPI de délivrer des titres de qualité, plus incitatifs pour protéger les innovations dans les pays membres. L’accompagnement dans cette démarche des entrepreneurs et créateurs est importante, et le rôle des Structures nationales de liaison sera fondamental dans les années à venir. Avec des titres plus fiables, des moyens de lutte contre la contrefaçon améliorés, la propriété intellectuelle pourra désormais soutenir pleinement le développement économique des entreprises dans tous les pays de la zone.

1 caroline.rolshausen@dgtresor.gouv.fr. Le service « réseau international » de l’INPI (dix agents couvrant une centaine de pays) met en œuvre les actions de coopération internationale en collaboration avec ses partenaires, institutionnels et privés. Il accompagne les entreprises à l’export en lien avec la Direction générale du Trésor et assure également la coordination des actions du Comité national anti-contrefaçon (CNAC).