Doctrine et analyses
Compte rendu

L’Interdiction allemande de fabriquer du Sterala est une mauvaise nouvelle pour les fabricants de biosimilaires qui utilisent la dérogation de l’UE relative aux CCP

PIBD 1216-II-1

d’après l’article d’Adam Houldsworth : German Sterala injunction is bad news for biosimilars using the EU SPC manufacturing waiver, in IAM, 6 novembre 2023

Texte

Afin de promouvoir la fabrication de médicaments génériques ou biosimilaires en Europe alors que le CCP protégeant ces médicaments est encore en vigueur, le règlement (UE) 2019/933 modifiant le règlement (CE) n° 469/2009 donne la possibilité de déroger au régime du CCP à des fins d’exportation ou de stockage pendant la durée du CCP. Pour la première fois, un tribunal rend une décision dans un litige relatif à ce régime dérogatoire.

La décision du Landgericht de Munich porte sur une des dispositions du régime qui permet une exception à la protection dès lors que les médicaments sont fabriqués à des fins d’exportation vers des pays tiers dans lesquels les médicaments en question ne sont pas ou plus protégés.


Le bénéficiaire du dispositif doit envoyer une notification au titulaire du CCP et tous les offices nationaux de propriété intellectuelle concernés trois mois avant de commencer à fabriquer les médicaments. L’utilisation du régime de dérogation à des fins d’exportation vers des pays tiers est soumis à des obligations d’étiquetage des produits et de fourniture d’informations sur l’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans les pays tiers où sont exportés les médicaments.

Formycon a notifié Janssen de son intention de fabriquer une version biosimilaire du Sterala à des fins d’exportation en dehors de l’UE. Janssen est titulaire d’un CCP sur le Sterala qui protège son produit jusqu’à la fin du mois de juillet 2024 dans plusieurs pays de l’UE. Dans sa notification, Formycon n’a pas précisé dans quels pays il projetait d’exporter son médicament et il n’a pas non plus fourni d’informations sur les AMM dans ces pays. Janssen a considéré que ce manque d’information empêchait Formycon de bénéficier du régime de dérogation et il a saisi le Landgericht de Munich afin de faire interdire la fabrication du biosimilaire en Allemagne.

Cette affaire a été l’occasion pour le tribunal d’interpréter les dispositions du règlement sur l’obligation d’information sur l’AMM. En effet, le règlement semble laisser penser que cette information peut être communiquée ultérieurement, comme le montre le considérant 17 : «  Si la publication d'une autorisation de mise sur le marché locale, ou de l'équivalent d'une telle autorisation, dans un pays tiers déterminé concernant un médicament donné intervient après que la notification a été envoyée à l'autorité, la notification devrait être rapidement mise à jour afin qu'elle reprenne le numéro de référence de cette autorisation de mise sur le marché, ou de l'équivalent d'une telle autorisation, dès qu'il est rendu public. Si le numéro de référence de ladite autorisation de mise sur le marché, ou de l'équivalent d'une telle autorisation, est en attente de publication, le fabricant devrait être tenu de communiquer ce numéro de référence dans la notification dès qu'il est rendu public. »

De même, l’article 5, paragraphe 5, sous-paragraphe e) stipule que « Les informations à communiquer par le fabricant […] sont les suivantes : […] | e) | pour les médicaments destinés à être exportés vers des pays tiers, le numéro de référence de l'autorisation de mise sur le marché ou son équivalent dans chaque pays tiers d'exportation, dès qu'il est rendu public. »


Le Landgericht de Munich a répondu favorablement à la demande de mesures provisoires de Janssen en interdisant à Formycon de fabriquer son biosimilaire à des fins d’exportation en dehors de l’UE du fait de l’insuffisance de l’information fournie par le défendeur. Celui-ci avait essayé de faire valoir que ces informations ne devaient être fournies que lorsqu’elles devenaient disponibles.

Etant donné les enjeux financiers et l’ambiguïté de la rédaction du règlement, l’approche du tribunal de Munich est susceptible d’être remise en question dans d’autres affaires. L’auteur n’exclut pas qu’elle fasse même l’objet d’une demande préjudicielle devant la CJUE.

Texte

Les opinions exprimées dans les articles cités n’engagent que leurs auteurs et ne représentent pas la position de l’INPI.