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OEB

L'OEB consulte les demandeurs sur les délais de grâce en matière de brevets

PIBD 1174-I-3
Par Célia Bénabou
Texte

Par Célia Bénabou, chargée de missions au service juridique et international de l'INPI

L’Office européen des brevets réalise actuellement une enquête pour laquelle sont consultés des demandeurs de brevets européens, choisis de manière aléatoire dans le monde parmi, notamment, des universités et des PME, au sujet des délais de grâce en matière de brevets1

Le délai de grâce correspond à une période (généralement entre six et douze mois) durant laquelle le futur déposant d’un brevet peut, volontairement ou non, divulguer son invention avant le dépôt de la demande de brevet, sans compromettre la brevetabilité de son invention.

Une analyse concernant une potentielle mise en place d’un délai de grâce en Europe avait déjà été faite antérieurement2, et n’avait pas soulevé un grand enthousiasme parmi les membres du Comité consultatif pour les questions économiques et sociales chargé de l’étude.

L’Europe ayant une exigence stricte de nouveauté, tout ce qui est rendu accessible au public à l’écrit ou à l’oral concernant l’invention, avant le dépôt de la demande de brevet, constitue l’état de la technique, et ne sera donc plus considéré comme nouveau et, par extension, ne sera plus brevetable3.

La mise en place d’un délai de grâce en Europe rentrerait donc en conflit avec l’exigence stricte de nouveauté, voire en incompatibilité avec la Convention sur le brevet européen4.

Certains pays ont fait le choix d’introduire un délai de grâce. Le Japon, par exemple, octroie un délai de six mois, tandis que les États-Unis en octroient un de douze. Ces pays voient en un délai de grâce l’opportunité d’éviter toute divulgation prématurée ou non intentionnelle qui compromettrait la brevetabilité de l’invention, permettant l’exposition de l’invention de manière libre lors de conférences ou au sein de revues de presse par exemple, en amont du dépôt de la demande de brevet.  

Cependant, l’instauration d’un délai de grâce augmenterait l’insécurité juridique et complexifierait l’examen du critère de nouveauté. D’autant plus que l’introduction d’un délai de grâce en Europe impliquerait une harmonisation à l’échelle internationale, ce qui rendrait la faisabilité d’un consensus en la matière assez complexe.

Dans ce cadre, l’enquête menée par l’OEB consiste à évaluer les répercussions de l’exigence stricte de nouveauté sur les dépôts et les pratiques professionnelles des demandeurs de brevet auprès de l’OEB. 

Au-delà de la question d’un délai de grâce européen potentiel, l’enquête de l’OEB a donc trois objectifs :

  • comprendre la manière dont les demandeurs gèrent l’exigence stricte de nouveauté ;

  • comprendre l’incidence d’une telle exigence sur les stratégies de commercialisation des brevets et leur divulgation ;

  • comprendre quelles répercussions un délai de grâce pourrait engendrer, et sous quelles modalités il pourrait être mis en œuvre. 

Les résultats de l’enquête donneront lieu à la publication d’une étude au printemps 2022. Elle servira de base de discussion sur le sujet.

1 Cf. OEB, communiqué de presse, 20 déc. 2021.
2 Europe Economics Chancery House, Economic Analysis of the Grace Period, nov. 2014.
3 Article 54 de la CBE.
4 Sur ce sujet, voir : H. Bardehle, Ist die Neuheitsschonfrist endlich in Sicht ? (Le Délai de grâce quant à la nouveauté est-il pour demain ?), MITT, 7, juill. 2004, p. 289-291 ; S. J. R. Bostyn, International harmonization of the patent system (L'Harmonisation du droit des brevets à l'échelon international), JAP AIPPI, (27), 5, sept. 2002, p. 310-323, 1re partie ; JAP AIPPI, (27), 6, nov. 2002, p. 384-397, 2e partie ; JAP AIPPI, (28), 1, janv. 2003, p. 29-37, 3e partie ; N. Wuylems, L’Opportunité d’un délai de grâce en droit européen des brevets d’invention, RDPI, sept. 1999, 103, p. 21-26 ; F. Blackemore, Grace periods in European patent law (L’Introduction d’un délai de grâce dans les législations européennes sur les brevets), Patent World, 106, oct. 1998, p. 18-22.