À la suite d’une procédure orale tenue en novembre 2019, la section de dépôt de l’OEB avait émis, le 27 janvier 2020, deux décisions de rejet des demandes de brevet EP 18 275 163, portant sur un récipient alimentaire, et EP 18 275 174 (dispositif de signal lumineux) désignant, en qualité d’inventeur, un programme d’intelligence artificielle nommé DABUS1, au motif que ces demandes ne remplissaient pas l’exigence juridique de la Convention sur le brevet européen selon laquelle l’inventeur désigné dans une demande soit une personne physique2. Après que le demandeur eut formé deux recours (affaires J 8/20 et J 9/20), la chambre de recours juridique de l’OEB a émis une opinion provisoire, en juin 2021, selon laquelle, en vertu de la CBE, l’inventeur devait être une personne physique disposant d’une capacité juridique.
Dans une procédure orale commune datée du 21 décembre 2021, la chambre de recours juridique de l’OEB a confirmé les décisions susmentionnées de la section de dépôt de l’OEB, et rejeté les recours formés par le demandeur. Le même jour, un communiqué général de l’OEB, intitulé « L'intelligence artificielle ne peut pas être désignée comme inventeur dans une demande de brevet », en a diffusé l’information, sans donner cependant accès à la décision ni à l’exposé des motifs, indiquant qu’ils « seront émis par écrit en temps opportun et seront accessibles via le Registre européen des brevets ».
Néanmoins, la chambre de recours juridique a mis en ligne un communiqué complémentaire. Elle y rappelle les conclusions de la section de dépôt puis, s’appuyant sur les articles 81, 60(1) et la règle 19(1) de la CBE, énonce les points principaux issus de la procédure orale, rejetant la désignation d’une intelligence artificielle comme inventeur, ainsi que l’argument du déposant se revendiquant ayant droit en tant que propriétaire du programme d’intelligence artificielle désigné comme inventeur et, plus généralement, cessionnaire de tous les droits de propriété intellectuelle créés par DABUS3.
En outre, la chambre précise la compétence de l’OEB afin de déterminer si la déclaration indiquant l’origine du droit au brevet européen, dans le cas où le demandeur n’est pas l’inventeur (article 81 CBE), est conforme à l’article 60(1) de la CBE.
1 « Device for the autonomous bootstrapping of unified sentience ».
2 Cf. É. Durbize, Une intelligence artificielle peut-elle être désignée comme inventeur dans une demande de brevet ?, PIBD 2020, 1142, III-2.
3 Afin de mieux comprendre l’historique et le raisonnement des décisions rendues par l’OEB, voir : OEB, Conférence virtuelle, 17 et 18 décembre 2020, La Notion d’inventeur pour les inventions en IA ; Académie européenne des brevets, Séminaire en ligne ; N. Shemtov, A study on inventorship in inventions involving AI activity, févr. 2019 ; Legal aspects of patenting inventions involving artificial intelligence (AI), Summary of feedback by EPC contracting states, 20 févr. 2019.
Voir aussi : J. Koorndijk, Adapting to innovations in artificial intelligence: AI as mental steps under the EPO, EIPR, (43), 12, déc. 2021, p. 771-776 ; B. Newman, Solving the DABUS problem, IPM, juill.-août 2021, p. 14 ; E. O’Sullivan, Artificial intelligence and inventors: artificial intelligence challenges the limits of European patent law in the DABUS applications, EIPR, (43), 7, juill. 2021, p. 469-474 ; I. Ireland, J. Lohr, "DABUS": the AI topic that patent lawyers should be monitoring, MIP, 287, automne 2020, p. 23-25 ; P. Vigand, Une machine peut-elle être désignée comme inventeur ?, Propr. industr., 12, déc. 2020, p. 18-19 ; C. Caron, Les Mésaventures de Dabus au pays des brevets, Comm. com. électr., 2, févr. 2020, p. 1 ; J. Larrieu, Les Robots et la propriété intellectuelle, Propr. industr., 2, févr. 2013, p. 9-10.