Jurisprudence
Marques

Mesures provisoires - Atteinte vraisemblable à la marque BISCUITS JOYEUX par l’utilisation de signes contenant le terme JOYEUX

PIBD 1143-III-5
CA Paris, 19 juin 2020

Mesures provisoires - Atteinte vraisemblable aux droits (non) - Contrefaçon de marque - Identité et similarité des produits et services - Complémentarité - Imitation - Différences visuelle, phonétique et intellectuelle - Terme commun évoquant un nom patronymique - Usage à titre de marque - Risque de confusion

Trouble manifestement illicite (non) - Concurrence déloyale - Atteinte à la dénomination sociale, au nom commercial et à l’enseigne

Trouble manifestement illicite (non) - Rupture abusive des pourparlers - Accord de coexistence

Trouble manifestement illicite (non) - Dommage imminent - Concurrence déloyale et parasitaire - Volonté de détourner la clientèle - Volonté de tirer profit de la notoriété d’autrui

Texte
Marque n° 4 324 964 de la société Les Biscuits Joyeux
Marque n° 4 400 588 du Fonds de dotation Emeraude Solidaire FDES
Marque n° 4 400 608 du Fonds de dotation Emeraude Solidaire (FDES)
Marque n° 4 400 599 du Fonds de dotation Emeraude Solidaire (FDES)
Marque n° 4 406 671 du Fonds de dotation Emeraude Solidaire (FDES)
Texte

Le dépôt des marques CAFÉ JOYEUX, JOYEUX et JOYEUX SERVI AVEC LE CŒUR, désignant notamment des produits alimentaires et des services de préparations de plats à emporter et de restauration ne constitue pas une atteinte vraisemblable aux droits du titulaire de la marque antérieure BISCUITS JOYEUX, qui vise des produits alimentaires.

Le signe BISCUITS JOYEUX sera immédiatement compris par le consommateur des produits en cause comme un tout désignant les biscuits d’une personne dénommée « Joyeux », patronyme connu en France, d’autant que l’adjectif « joyeux » n’est pas usuellement placé en second en langue française et qu’il est habituel dans le secteur alimentaire d’utiliser comme signe distinctif un terme évocateur des produits concernés suivi d’un nom de famille. Intellectuellement, l’expression CAFÉ JOYEUX tend également, par la place inhabituelle du terme « joyeux », à évoquer un produit ou un service d’une personne portant ce patronyme. Néanmoins, ce signe sera spontanément compris comme un lieu de consommation, à savoir un café tenu par une personne portant le nom « Joyeux ». Même si le public concerné sait que ce type d’établissement est susceptible de proposer accessoirement des biscuits, il ne saurait le confondre avec l’exploitation de la marque BISCUITS JOYEUX, qui n’évoque que des biscuits. Le signe JOYEUX seul sera spontanément compris comme un adjectif dans son sens courant, c’est-à-dire qui inspire ou manifeste de la joie. L’impression d’ensemble résultant de la comparaison de la marque BISCUITS JOYEUX avec les signes CAFÉ JOYEUX et JOYEUX ne rend pas suffisamment vraisemblable un risque de confusion, même pour les produits et services identiques (café) et similaires (plats préparés / préparation de plats à emporter), dans l’esprit du consommateur moyen, quand bien même les signes contestés seraient utilisé dans un lieu géographique proche du lieu d’exploitation historique du signe premier.

La comparaison de la marque invoquée et des marques verbales et semi-figuratives JOYEUX AVEC LE CŒUR ne permet pas plus de retenir une contrefaçon vraisemblable. Si le terme « joyeux » est mis en valeur par sa taille dans les signes semi-figuratifs, cette présentation renforce la différence visuelle avec la marque antérieure. De plus, le dessin montre un visage associé à un plateau présentant apparemment une boisson chaude, une autre boisson et une pâtisserie, qui ne s’apparente pas à la représentation usuelle d’un biscuit. Au plan conceptuel, si le signe contesté, qui forme un tout, place en évidence le terme « joyeux », ce dernier renvoie à une dimension altruiste évoquant la convivialité, absente de la marque première, et à une idée de service, renforcée dans les marques semi-figuratives par le dessin du serveur, tandis que la marque antérieure évoque un produit particulier, à savoir les biscuits.

Il ne peut être considéré avec l’évidence requise en référé que la désignation de cafés, constituant des établissements servant des boissons et repas, par le mot « joyeux », ou l'emploi de ce terme dans des adresses de comptes sociaux (Facebook, Instagram, et Twitter), comme la réservation et l'exploitation du nom de domaine « joyeux.fr », génèrent un risque vraisemblable de confusion avec la marque BISCUITS JOYEUX. Les éléments associés au terme « joyeux » font référence à la nature et à la vocation des services offerts ("joyeux aime servir", "buvez joyeux" …) et aucunement à des biscuits à la différence de la marque antérieure.

Cour d'appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 19 juin 2020, 2019/09051 (M20200129)
Les Biscuits Joyeux SARL c. Fond de dotation Émeraude Solidaire et Grain de Moutarde SARL

(Confirmation partielle TGI Paris, ord. de référé, 29 mars 2019, 2019/51677)