Protection au titre du droit d'auteur (non) - Dessin - Originalité - Combinaison d'éléments connus - Destination - Genre - Effort de création
Protection des dessins et modèles communautaires non enregistrés (oui) - Divulgation - Nouveauté - Caractère individuel - Utilisateur averti - Degré élevé de liberté du créateur - Impression globale
Contrefaçon des dessins et modèles communautaires non enregistrés (oui) - Reproduction servile
Concurrence déloyale (oui) - Fait distinct des actes de contrefaçon - Effet de gamme - Commercialisation concomitante - Risque de confusion
Concurrence déloyale et parasitaire (non) - Ornementation - Absence de droit privatif - Copie servile - Genre - Usage courant - Risque de confusion - Produit phare - Preuve - Volonté de profiter des investissements d’autrui
Préjudice - 1) Au titre de la contrefaçon - Succès commercial - Banalisation - Dévalorisation - Diffusion importante - Commercialisation concomitante - Manque à gagner - 2) Au titre de la concurrence déloyale - Atteinte à l'image de marque et à la réputation
La société demanderesse revendique trois dessins apposés sur du linge de maison. L’un dit « arabesques » combine des motifs d’arabesque et de croix en forme de fleur de lys insérée dans une forme octogonale stylisée. Un autre dit « étoiles » combine, sur une même ligne et en alternance, des étoiles fines à quatre branches rappelant la fleur de lys et des étoiles pleines à huit branches. Le dernier dit « carreaux de ciment » combine, de manière symétrique et géométrique, une première ligne composée de fines étoiles à quatre branches et une seconde ligne composée d’une fleur à quatre pétales similaires à la forme d’un as de pique, placée au centre d’un cercle.
Ces dessins ne sont pas protégeables au titre du droit d’auteur. Ils évoquent fortement des motifs déjà connus, issus du fonds commun en matière de carreaux décoratifs en céramique. Leur description par la demanderesse ne permet pas de caractériser leur originalité, et notamment l'effort créatif leur conférant une physionomie propre qui les distinguerait des dessins appartenant au même genre et qui traduirait un parti pris esthétique du créateur. Le fait que la demanderesse ait repris ces motifs, issus du domaine des revêtements de sols, sur du linge de maison est indifférent, dès lors que la protection est revendiquée pour le seul dessin.
En revanche, les dessins invoqués sont protégeables au titre du droit des dessins et modèles communautaires non enregistrés.
Le dessin « arabesques » se rapproche d’un motif antérieur qui appartient à un ensemble plus vaste composé de huit autres motifs juxtaposés, dont il a été extrait par la société poursuivie. Il convient de procéder à une comparaison globale entre les modèles, tous deux pris dans leur ensemble constitué par la combinaison de leurs éléments caractéristiques. Or, le modèle revendiqué constitue un assemblage entre deux motifs dont la combinaison diffère notablement du modèle antérieurement divulgué, de sorte qu’il ne permet pas d’en détruire la nouveauté.
Il présente également un caractère individuel. Le dessin revendiqué joue sur l'alternance de deux motifs et de formes pleines et creuses, rondes ou plus fines, alors que le modèle antérieur invoqué est constitué à l'origine d'une séquence de dessins très différents constituant un ensemble assez chargé, dont au surplus, un seul s'approche d'un des motifs constituant le modèle revendiqué. Ainsi, l'impression globale produite par les modèles diffère notablement sur l'utilisateur averti – consommateur moyen amateur de produits de décoration intérieure et professionnel commercialisant les produits sur lesquels le motif est apposé –, qui percevra immédiatement à la fois cette différence d'aspect mais aussi de construction.
S’agissant du dessin « étoiles », le dessin antérieur opposé – combinaison d'étoiles très grosses à huit branches et d'étoiles plus petites et ramassées, reliées entre elles par des traits fins – ne peut être considéré comme identique à celui-ci, dont il se différencie tant par les éléments qui le composent que par son rendu beaucoup plus dense et chargé. De même, l'impression d'ensemble produite par les modèles diffère notablement sur l'utilisateur averti, qui ne retrouvera pas dans le dessin opposé le rendu aérien et léger présent dans le modèle revendiqué.
Enfin, il existe des différences significatives entre le dessin « carreaux de ciment » et les motifs antérieurs opposés. Par ailleurs, ces derniers donnent une impression d'ensemble nettement différente de celle produite par le modèle revendiqué qui présente un aspect à la fois plus épuré et moderne, outre que les formes les composant sont très différentes. Par conséquent, l'utilisateur averti n'y retrouvera pas les éléments caractéristiques du modèle revendiqué.
Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 15 juin 2022, 20/04501 (D20220041)[1]
Dubos AS SAS c. Eurodif SAS
(Infirmation partielle TJ Paris, 3e ch., 3e sect., 7 févr. 2020, 17/16416 ; D20180130)
[1] Les juges du fond ont estimé dans plusieurs décisions récentes qu’un dessin ou modèle était protégeable au titre du droit des dessins et modèles communautaires non enregistrés alors qu’il ne l’était pas par le droit d’auteur. Voir notamment : CA Paris, pôle 5, 1re ch., 16 nov. 2021, Sonia Rykiel Création et Diffusion de Modèles c. Fashion Retail SA et al., 18/20990 (D20210065 ; PIBD 2022, 1175, III-8 ; motifs à œillets et à strass) ; CA Paris, pôle 5, 1re ch., 21 juin 2016, Maisons du Monde SAS c. L'Entrepôt SARL et al., 15/00425 (D20160091 ; PIBD 2016, 1059, III-863 ; Propr. intell., 61, oct. 2016, p. 501, p. 514, notes de P. de Candé ; modèle de buffet revêtu de visuels) ; TGI Paris, 3e ch., 3e sect., 10 juill. 2015, SB Diffusion c. TMK (Too Much Kiss) SARL, 13/06064 (D20150128 ; PIBD 2015, 1039, III-804 ; modèle de pendentif représentant une tortue).