La rubrique « Brèves de jurisprudence » offre un aperçu d'autres décisions en mettant l'accent sur un ou plusieurs points de droit intéressants. |
Contrat de cession d’une invention - Existence du contrat (non) - Violation de l’obligation de négocier le contrat de bonne foi (non)
Un chercheur ayant inventé un procédé de mise au point d'un liant minéral a conclu, avec une société spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de matériaux pour la construction, un contrat de licence exclusive de savoir-faire et d’invention dans le cadre d'une collaboration destinée à poursuivre les recherches. Après avoir levé l’option d’acquisition de l’invention figurant au contrat et entamé des négociations pour conclure un contrat de cession, la société a notifié à l’inventeur sa décision de ne pas acquérir l’invention. L’inventeur a alors assigné la société pour rupture abusive du contrat de cession et, à titre subsidiaire, pour violation de l'obligation de négocier le contrat de bonne foi. Cependant, l'existence du contrat de cession n'est pas établie. En effet, la levée de l’option n’a pas entraîné la formation du contrat, faute d’accord sur ses éléments essentiels, tel le prix. Elle a seulement abouti à un accord de principe obligeant les parties à négocier de bonne foi les conditions d’une cession. Or, aucune faute dans la rupture de ces négociations, un an après la levée de l’option, n’est démontrée. La décision prise par la société repose sur des motifs économiques légitimes, la rentabilité du projet étant remise en cause par une étude qui a été réalisée à sa demande par un tiers et à laquelle l’inventeur a été associé.
TJ Paris, 3e ch., 3e sect., 26 juin 2024, M. [U] [J ] c. Vicat SA, 21/10917 (B20240050)
Demande d’enregistrement d’une marque - Caractère distinctif (non) - Caractère descriptif (oui)
C’est à bon droit que l’INPI a rejeté partiellement la demande d’enregistrement de la marque verbale BIOFLORE. Le terme « BIO », couramment utilisé pour désigner des produits issus d'une agriculture respectant des normes de productions biologiques, et le terme « FLORE », utilisé pour désigner des espèces végétales, ne présentent aucune distinctivité pour désigner les produits et services suivants : « Produits chimiques destinés à l'agriculture, l'horticulture et la sylviculture ; engrais pour les terres ; Produits agricoles, horticoles et forestiers ni préparés ni transformés ; fruits et légumes frais ; semences (graines), plantes et fleurs naturelles ; aliments pour les animaux ; malt ; gazon naturel ; céréales en grains non travaillés ; arbustes ; plantes ; plants ; arbres (végétaux) ; agrumes frais ; bois bruts ; fourrages ; Services d'agriculture, d'horticulture et de sylviculture ; jardinage ; services de jardinier-paysagiste ». Le signe « BIOFLORE » ne fait que décrire la qualité (matière végétale), l'environnement et la destination (agriculture, sylviculture, horticulture) de ces produits ou services et ne permet nullement au public pertinent de distinguer les produis ou services de la société requérante de ceux émanant de toute autre entreprise œuvrant dans des domaines similaires. En outre, l'association des deux termes « BIO » et « FLORE » n'ajoute aucun caractère nouveau ou aléatoire à la perception d'ensemble du signe.
CA Bordeaux, 1re ch. civ., 8 oct. 2024, Agriver SAS c. INPI, 23/03173 (M20240240)
(Rejet recours c. décision INPI, 7 juin 2023)
Demande d’enregistrement d’une marque - Caractère distinctif (non)
L’INPI est approuvé en ce qu’il a rejeté, pour défaut de distinctivité, la demande d’enregistrement de la marque The Cognac Society pour les « Eau-de-vie de vin bénéficiant de l’AOC Cognac ». Le public pertinent (qui n’est pas seulement le public averti des connaisseurs de cognac mais un public plus large de consommateurs moyens munis d’une connaissance rudimentaire de l’anglais) ne percevra pas d’emblée le terme « society » comme définissant une confrérie ou un club privé, de même qu’il ne saura pas nécessairement qu’une société commerciale se traduit en anglais par le terme « company ». En outre, en raison de la grande proximité du terme anglais « society » avec le terme français « société », le consommateur moyen les rapprochera inéluctablement. L’élément « the » sera aisément compris comme un article introduisant l’ensemble verbal qui le suit et le terme « cognac », issu de la langue française et qui désigne l’eau-de-vie de vin bénéficiant de l’appellation d’origine contrôlée de même nom, sera nécessairement compris comme tel. Le signe « The Cognac Society », qui obéit aux règles de la syntaxe anglaise, conserve sa signification première et usuelle qui découle des éléments qui le composent. Ainsi, pris dans son ensemble, il sera perçu sans autre réflexion comme désignant une société qui produit ou commercialise du cognac et non comme une indication de l’origine commerciale des produits. Ce signe n’est donc pas apte à remplir la fonction de la marque.
CA Paris, pôle 5, 2e ch., 27 sept. 2024, RDL Spirits SAS c. INPI, 23/14084 (M20240232)
(Rejet recours c. décision INPI, 5 juill. 2023, 4915311)
Déchéance partielle de la marque pour défaut d'usage sérieux (oui) - Déchéance pour dégénérescence (non) - Marque devenue trompeuse
La demande en déchéance de la marque verbale HYDRABIO fondée sur le défaut d’usage est partiellement justifiée, l’usage sérieux n’étant démontré que pour les produits pharmaceutiques et hygiéniques. La demande en déchéance au motif que la marque serait devenue propre à induire en erreur est totalement rejetée pour ces produits. Le demandeur soutient que, du fait de la présence du terme « bio » dans la marque, dont l’utilisation est strictement réglementée1, le titulaire de la marque contestée aurait dû préciser dans le libellé que les produits étaient « issus d’une production biologique ou élaborés à partir de produits qui en sont issus ». Cependant, les produits pharmaceutiques ne figurent pas dans le champ d’application du règlement invoqué. De plus, le caractère trompeur doit être apprécié à la date de la demande en déchéance. Or, l’appréciation de l’absence de mention dans le libellé quant à la nature biologique des produits relève de la validité de la marque au jour de son dépôt, et non de l’appréciation de son exploitation l’ayant rendue propre à induire en erreur. Le demandeur ne démontre donc pas en quoi la marque HYDRABIO serait devenue trompeuse2.
Décision INPI, 3 juill. 2024, Karman SAS c. Noas SAS, DC22-0160 (DC20220160)
1 Règlement n° 2018/848 du 30 mai 2018.
2 Dans une décision antérieure, l’INPI a jugé que la société Karman n’apportait aucun élément de nature à démontrer que le terme « bio » était perçu comme un « label » de qualité des produits pharmaceutiques visés par la marque HYDRABIO au jour de son dépôt en 1983 et a rejeté la demande en nullité de la marque en raison de son caractère trompeur (INPI, 22 févr.2024, Karman c. Naos, NL22-0156 (NL20220156).
Protection au titre du droit d’auteur (non) - Identification des caractéristiques originales
La structure temporaire haut de gamme commercialisée sous le nom « L’Orangerie éphémère » n'est pas protégeable par le droit d'auteur. La société demanderesse n’explicite aucun choix artistique ou processus créatif, se bornant à indiquer qu’elle a donné des instructions à un illustrateur graphiste, notamment sur la forme générale, le dimensionnement et les proportions de la structure. Les éléments descriptifs revendiqués (double toit à quatre pentes ; structure en acier ; façades en verre donnant une grande ouverture sur l'extérieur, avec des lignes verticales régulières et dont la partie haute est arrondie ; charpente avec une structure en croisillons, inclinée selon la pente du toit) se retrouvent dans les halles de type « Baltard » et appartiennent, ensemble, au fonds commun de l'architecture. L’alignement des éléments hauts avec les éléments bas ou la dimension des châssis entourant les vitres, qui n'étaient pas précédemment revendiqués et qui ne se retrouvent pas dans toutes les « Orangeries éphémères », ainsi que les choix de la couleur grise et du PVC, qui sont banals et fonctionnels pour des structures extérieures destinées à des réceptions, ne caractérisent pas des partis pris esthétiques reflétant la personnalité d’un auteur. Il en va de même concernant l'inclinaison des barres de séparation des treillis se rattachant à la poutre ou la présence de barreaux verticaux, qui sont des éléments techniques dictés par les règles de construction. Les caractéristiques de « l'Orangerie éphémère », prises isolément ou en combinaison, sont dépourvues d'originalité.
CA Paris, pôle 5, 1re ch., 9 oct. 2024, Va Évènements SARL c. Orangerie Val de Loire SAS et al., 22/20264 (D20240055)
(Confirmation TJ Paris, 3e ch., 3e sect., 13 sept. 2022, 20/09890 ; D20220063)