Annulation partielle de la marque - Atteinte à un nom commercial et un nom de domaine antérieurs
La décision de l’INPI ayant partiellement annulé la marque FOUILHOUX FONTAINEBLEAU, enregistrée en 2017, pour atteinte au nom commercial Sellerie Fouilloux, utilisé depuis 2011, et au nom de domaine sellerie-fouilloux.fr, réservé en 2006, est confirmée. Ces droits antérieurs ont fait l’objet d’un usage dont la portée n’est pas seulement locale, notamment pour les services de vente d’équipements pour chevaux et cavaliers. Les produits de la marque contestée sont identiques ou similaires aux activités effectivement exploitées sous le nom commercial invoqué et aux produits commercialisés sur le site internet du demandeur. La comparaison des signes fait ressortir des ressemblances visuelles et phonétiques moyennes, renforcées par la prise en compte de leurs éléments distinctifs et dominants. C’est donc à raison que l’INPI a retenu l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public entre la marque contestée et le nom commercial et le nom de domaine antérieurs. La société titulaire de la marque contestée revendique l’existence des marques notoires et renommées FOUILHOUX FONTAINEBLEAU et SELLERIE FOUILHOUX, qui seraient antérieures au nom commercial et au nom de domaine opposés. Pour autant, la cour d’appel, statuant sur un recours formé à l'encontre d'une décision de l'INPI saisi de la demande en nullité d'une marque par le titulaire de droits antérieurs, n'a pas plus de compétence que l'INPI pour faire droit à cette demande en nullité ou la rejeter. Or, l’INPI n'a pas, dans une telle procédure, compétence pour trancher un litige entre une marque non enregistrée antérieure appartenant au défendeur d'une part et le nom commercial et le nom de domaine opposés par le demandeur à l’annulation d'autre part. Ainsi, en l'espèce, ni l'INPI, ni la cour d’appel n’ont compétence pour apprécier l’existence ou la validité des marques non enregistrées antérieures aux droits opposés par le demandeur.
CA Paris, pôle 5, 2e ch., 14 juin 2024, Fouilhoux SAS c. INPI et al., 23/08957 (M20240152)
(Confirmation décision INPI, 20 avr. 2023, NL 22-0085 ; NL20220085)
1 Voir également : Cass. com., 10 janv. 2024, JDC SAS c. JDC Midi-Pyrénées SAS et al., 22-21.716 (M20240004 ; PIBD 1221-III-5). Dans cet arrêt contenant des développements sur la notion de « droit antérieur », la Cour de cassation a considéré notamment que « le titulaire d'un droit antérieur peut agir en nullité de la marque déposée s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public, quand bien même le titulaire de la marque contestée dispose d'un droit plus ancien que ce tiers qui la conteste. ».
Validité de la marque (oui) - Caractère descriptif (non)
La décision de l’INPI ayant rejeté la demande en nullité pour défaut de caractère distinctif de la marque verbale LE CHAI, désignant des « caves à vin réfrigérées », est confirmée. Le signe ne sera pas regardé par le public pertinent, à savoir le consommateur moyen amateur de vin, comme descriptif des produits visés ou d’une de leurs caractéristiques. En effet, le terme « chai », en ce qu’il désigne à la fois le lieu de la vinification (à savoir la transformation du raisin en vin) et de conservation des vins en fûts, sert à la phase d’élevage du vin allant de la prise en charge de la récolte de raisin jusqu’à la mise en bouteille, tandis que les « caves à vin réfrigérées » désignent des objets de plus ou moins grande taille, relevant de la catégorie des appareils électroménagers où sont entreposées et conservées des bouteilles de vin à bonne température. Le « chai » et la « cave à vin réfrigérée » sont certes évocateurs de l'univers du vin, mais répondent donc à des définitions différentes et ne partagent ni la même nature, ni la même fonction. Ainsi, la marque contestée LE CHAI est distinctive pour désigner des « caves à vin réfrigérées » », ce qui la rend apte à satisfaire à la fonction essentielle de la marque de garantie d'origine de ces produits.
CA Paris, pôle 5, 2e ch., 7 juin 2024, Adeva SAS c. INPI et al., 23/05455 (M20240148)
(Rejet recours c. décision INPI, 20 févr. 2023, NL 22-0105 ; NL20220105)
Validité de la marque de couleur (non) - Caractère distinctif intrinsèque (non) - Acquisition par l’usage (non)
La marque figurative protégeant la couleur bleue Pantone 296C, qui désigne les « moteurs tubulaires électriques pour manœuvrer les portes, portes de garage, portails, fenêtres, volets, stores, rideaux, écrans et grilles », est annulée pour absence de caractère distinctif. Il n’est pas contesté que le choix d’un bleu sombre pour caractériser le moteur tubulaire de volets roulants est arbitraire et n’est pas nécessaire à leur fonctionnement. Toutefois, il n’est pas justifié de circonstances exceptionnelles1 pour lesquelles la couleur bleue revendiquée suffirait en elle-même à établir la distinctivité de la marque et aurait ainsi, en elle-même, un caractère distinctif avant tout usage. La preuve que l’usage de la marque en rapport avec les produits désignés puisse conduire le public pertinent, en l’espèce les installateurs de volets roulants ou de fenêtres et l’ensemble des professionnels du secteur des protections solaires, à percevoir la couleur comme indicateur de l’origine commerciale des produits n’est pas davantage rapportée. En effet, les éléments de preuve fournis par la société titulaire (extraits de catalogues, factures, encart publicitaire) ne suffisent pas à démontrer un emploi continu de la couleur revendiquée sur ses moteurs tubulaires, ni un usage pouvant être qualifié d’intensif et qui le serait resté. En revanche, il résulte de l’ensemble des éléments de preuve que la titulaire de la marque a utilisé de longue date pour ses moteurs tubulaires plusieurs nuances de bleu (dont un ou plusieurs bleus sombres) mais de manière non exclusive, ainsi que d’autres coloris (gris clair, jaune) et qu'elle a évolué dans l’utilisation des signes distinctifs de ses moteurs, à l’instar de ses concurrents. La marque de couleur revendiquée n’est donc pas susceptible à elle seule de permettre l’identification des produits visés.
TJ Paris, 3e ch., 2e sect., 5 juill. 2024, Somfy Activités SA c. A-OK France SAS, 21/06263 (M20240168)
1 CJUE, 6 mai 2003, C-104/01, Libertel points 62, et 65 et s « la propriété inhérente de distinguer les produits d'une certaine entreprise fait normalement défaut à une couleur en elle-même […]. L'existence d'un caractère distinctif avant tout usage ne pourrait se concevoir que dans des circonstances exceptionnelles notamment lorsque le nombre des produits ou des services pour lesquels la marque est demandée est très limité et que le marché pertinent est très spécifique […] ».
Protection par le droit d’auteur (oui) - Titularité (oui) - Œuvre de commande - Contrefaçon (oui) - Exploitation au-delà de la cession des droits
Le packaging constitué des étiquettes et des films pack des bouteilles des eaux de Thonon, qui a été créé par un designer sur commande de la société poursuivie en contrefaçon, est protégeable au titre du droit d’auteur. Si plusieurs de ses caractéristiques, prises individuellement, sont certes communes aux packagings d'autres eaux minérales (ex : paysage de montagne en arrière-plan), ces éléments sont cependant associés à la mise en valeur de l'origine géographique de l'eau de Thonon (représentation de l’emblème de la Savoie incrusté dans la dénomination, double paysage vallonné et montagnard). La typographie choisie et, de manière générale, la composition de l'ensemble reflètent un travail de recherche graphique, tendant à renforcer l'identité du produit. Les slogans et les couleurs du packaging mettent en valeur les qualités attribuées à l'eau de Thonon (fraîcheur, pureté…). Ainsi, la combinaison de ces éléments constitue une création originale portant l'empreinte de la personnalité de son auteur. En revanche, le packaging des eaux de source Pierval n’est pas protégeable, le designer ayant procédé à un travail de modernisation de l’étiquette antérieure en conservant ses principales caractéristiques, sans se livrer à un véritable travail créatif. Le demandeur est bien titulaire des droits d’auteur sur le premier packaging. En effet, il ressort des pièces produites que celui-ci résulte de son travail de recherche, sans qu'aucun élément ne puisse confirmer qu'il se soit borné à la mise en œuvre de directives techniques. Aucune pièce n’établit la participation de tiers à l’élaboration du packaging ni l’existence d’une œuvre collective. L’exploitation du packaging par la société défenderesse s’est poursuivie, sans l’autorisation du designer, au-delà de la période de dix ans durant laquelle les droits de reproduction lui avaient été cédés. La contrefaçon est donc caractérisée.
TJ Paris, 3e ch., 2e sect., 14 juin 2024, M. [T] [W] c. Neptune Distribution SNC et al., 22/03302 (D20240043)