d’après l’article de Marsha S. Cadogan : The Prospects and limits of blockchain technologies in the global protection of geographical indications, in CIPR-RCPI, (35), 2020, p. 1-38
Les technologies de la blockchain (ci-après « la blockchain ») constituent l’un des principaux moteurs du changement à l’heure de la quatrième révolution industrielle. Dans un article illustré de nombreux exemples, Marsha S. Cadogan se penche sur leurs apports possibles dans le domaine des indications géographiques, compte tenu notamment des divergences conceptuelles et juridiques qui existent à l’échelle internationale.
Elle procède à quelques rappels concernant la blockchain et ses applications ainsi que la définition et la nature juridique des indications géographiques. Elle relève un déficit d’harmonisation internationale de la protection des indications géographiques et en souligne les incidences.
Après ces considérations introductives, M.S. Cadogan distingue plusieurs usages potentiels de la blockchain en rapport avec les indications géographiques.
Celles-ci se caractérisent par un lien unique entre le produit qu’elles désignent et son lieu de production. Aussi la blockchain pourrait-elle permettre de garantir l’origine et la traçabilité (donc, l’authenticité) des produits et de fournir des informations aux consommateurs (étapes de production, canaux de distribution…). En contribuant ainsi à la transparence de la chaîne d’approvisionnement, elle pourrait aider à fidéliser la clientèle et à réduire la présence et/ou la popularité des contrefaçons.
En outre, la blockchain pourrait être utile pour assurer le respect du cahier des charges par l’ensemble des producteurs habilités à utiliser une indication géographique. Tel serait le cas dans des situations comme celle des fameux saris de Bénarès en soie tissée à la main : la concurrence de faux d’origine chinoise bon marché a poussé des fabricants à remplacer la soie par du synthétique.
En l’absence d’harmonisation internationale, la protection progresse principalement par la voie d’accords de libre-échange et le secteur des indications géographiques demeure marqué par la disparité des définitions et par des différences notables dans la protection conférée. Comme l’explique l’auteure en prenant pour exemple l’appellation feta, la blockchain serait donc d’une utilité limitée pour la défense des droits à l’échelle internationale. Au passage, elle évoque la piste du dépôt de marque dans des pays où la protection des indications géographiques est peu avancée.
L’auteure aborde également l’éventualité d’une utilisation de la blockchain à des fins d’enregistrement. Des entreprises proposent déjà ce type de service pour le droit d’auteur et les marques. Voilà qui poserait, entre autres, le problème de l’articulation avec les acteurs traditionnels tels que les Offices nationaux ou l’OMPI et son Comité permanent du droit des marques, des dessins et modèles industriels et des indications géographiques, lesquels ont un rôle important à jouer.
Enfin, M.S. Cadogan envisage l’hypothèse du recours aux smart contracts. Par exemple, pour les paiements entre divers intervenants de la chaîne d’approvisionnement, y compris dans un contexte transfrontière. Ces contrats d’un nouveau genre semblent séduisants en raison, notamment, de la réduction des coûts liée à la désintermédiation. L’auteure exprime cependant des réserves ayant trait à la prise en compte des intérêts des producteurs, au règlement des litiges et à de possibles effets pervers de la désintermédiation, à l’accès aux technologies de la blockchain. Dans certaines conditions, les smart contracts ne seraient néanmoins pas sans utilité.