Jurisprudence
Dessins et modèles

Protection d’un modèle de sac par le droit d’auteur et à titre de modèle communautaire non enregistré - Portée de la protection

PIBD 1165-III-8
CA Paris, 22 juin 2021

Protection au titre du droit d'auteur (oui) - Originalité - Identification du modèle - Combinaison d'éléments connus - Empreinte de la personnalité de l'auteur - Effort créatif - Recherche esthétique - Contrefaçon (non) - Reproduction des caractéristiques protégeables

Protection du modèle communautaire non enregistré (oui) - Caractère individuel - Antériorité - Impression visuelle globale - Utilisateur averti - Contrefaçon (non) - Copie

Texte
Sac « Faye » de la société Chloé
Texte

La notion d'antériorité est indifférente en droit d'auteur. Celui qui se prévaut de cette protection doit justifier de ce que l'œuvre revendiquée présente une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique et reflétant l'empreinte de la personnalité de son auteur. Toutefois, l'originalité doit être appréciée au regard d'œuvres déjà connues afin de déterminer si la création revendiquée s'en dégage d'une manière suffisamment nette et significative, et si ces différences résultent d'un effort de création, marquant l'œuvre revendiquée de l'empreinte de la personnalité de son auteur.

La combinaison d'un sac à main avec un anneau central prééminent était déjà présente sur différents modèles de créateurs avant la commercialisation du sac revendiqué. Par ailleurs, les sacs baguette de forme rectangulaire, bi-matière, avec un rabat couvrant la moitié du sac font partie, de longue date, du patrimoine des sacs à main et sont répandus sur le marché. En revanche, la « chaîne métallique dorée reliant l'extrémité droite du sac à l'anneau, attachée par un mousqueton », ajoutée en appel aux autres caractéristiques revendiquées, confère au sac invoqué une physionomie propre, l'ensemble évoquant un style à la fois féminin et masculin, alliant délicatesse des lignes du sac et rudesse de la chaîne et du mousqueton en métal. Il traduit un effort créatif et un parti pris esthétique original rendant le sac éligible à la protection du droit d'auteur.

Toutefois, cette chaîne métallique ne se retrouve pas sur le sac incriminé, pourvu pour sa part d'une boule métallique dorée, très apparente, posée sur la partie basse et centrale de l'anneau, qui se différencie nettement du mousqueton présent sur le sac invoqué. Ainsi, la contrefaçon de droit d’auteur n’est pas caractérisée à défaut de reproduction des caractéristiques originales protégeables.

La société demanderesse est fondée à revendiquer la protection au titre du droit des dessins et modèles communautaires non enregistrés, dès lors que son modèle de sac présente un caractère individuel. La chaîne métallique reliant l'anneau central à l'un des côtés du sac, inexistante sur les antériorités mises en avant par les sociétés poursuivies, est visuellement significative et atypique pour un sac à main. Elle produit sur l'utilisateur averti, amateur de sacs à main et sensible aux formes de ces objets, une impression visuelle globale différente de celle générée par les antériorités.

Cependant, le sac litigieux - qui ne reproduit pas la chaine et présente une boule métallique constituant une partie intégrante du sac - ne constitue pas la copie du sac invoqué, même si les sociétés poursuivies ne démontrent pas les efforts créatifs indépendants qui auraient pu aboutir au sac incriminé.  

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 22 juin 2021, 19/16343 (D20210035)
Chloé SAS c. Mango France SARL, Mango Haussmann SAS et Punto FA SL
(Confirmation partielle TGI Paris, 3e ch., 1re sect., 11 juill. 2019, 17/06751 ; D20180127)