Par Charlotte Beaumatin, conseillère régionale INPI aux États-Unis1
L’USTR2 a publié, le 17 février 2022, la liste et le rapport annuels des marchés en ligne et physiques se livrant à des activités de contrefaçon de marques et au piratage de droits d’auteur, ou facilitant ces activités. Cette « liste noire » n’entraîne pas de sanctions concrètes, mais l’inscription sur celle-ci constitue une mauvaise publicité pour les entreprises et les pays concernés.
Ce rapport, publié annuellement, recense les difficultés rencontrées par les titulaires de droits américains dans la défense et le respect de leurs droits, en mettant en lumière des exemples de marchés physiques et en ligne sur lesquels ces titulaires sont victimes de ventes de produits contrefaisants.
1. Les effets de la crise du Covid
Le rapport annuel accompagnant l’actualisation de la liste souligne des améliorations. Par exemple, la crise du Covid a entraîné une restriction des voyages et donc du tourisme, ce qui a freiné les ventes sur les marchés physiques dans plusieurs pays, comme la Thaïlande. Ainsi des marchés hébergeant depuis plusieurs années des contrefaçons, comme le MBK Shopping Mall, Patpong Street Market et Soi Nana, situés à Bangkok, ne semblent plus vendre de contrefaçons, ou très peu.
2. Des mutations dans les filières de vente
Par ailleurs, les contrefacteurs autrefois connus pour vendre sur des marchés physiques se sont déportés de ces marchés vers le commerce en ligne. Ils ont ainsi développé des moyens pour contourner les mesures prises par les gouvernements et les plateformes de vente en ligne, en utilisant davantage les réseaux sociaux et les liens cachés.
3. Les efforts des pays mis en avant
Le rapport pointe les efforts que certains pays ont déployés afin de mieux prévenir la contrefaçon et lutter contre elle. Ainsi, les Émirats arabes unis, le Brésil, la Thaïlande, l’Ukraine ou encore les Philippines sont cités, car ils ont effectué des saisies majeures cette année.
4. Un focus sur la piraterie
Le rapport fait état des efforts déployés pour réduire les actes de piraterie et de téléchargement illicite de contenus. Il cite les opérations réalisées au Brésil en coopération avec les États-Unis et le Royaume-Uni, l’Inde, le Vietnam, l’Allemagne ou encore la Thaïlande. De même, il salue les actions menées par les entreprises privées telles qu’Alliance for Creativity and Entertainment, le groupe hollandais BREIN, la compagnie singapourienne StarHub, ou encore Radio Canada.
5. Les marchés en ligne
Il est à noter cette année l’apparition sur cette liste de sites chinois importants comme AliExpress et WeChat. En effet, l’USTR reconnaît les efforts faits par le groupe Alibaba pour mettre en place des outils et développer une politique de lutte contre les contrefaçons, mais il pointe néanmoins du doigt la plateforme AliExpress, en expliquant que les titulaires de droits sont victimes d’une augmentation significative des offres de biens contrefaisants sur cette plateforme.
De même, la plateforme WeChat est ciblée comme ne traitant pas de manière efficace la lutte contre la vente de biens contrefaisants. Selon le rapport, il est très simple pour un contrefacteur de créer un compte, et les biens contrefaisants apparaissent de manière prioritaire lorsqu’un acheteur cherche un bien précis. Le rapport pointe les faiblesses dans la vérification des vendeurs, la facilité pour les contrefacteurs de passer au travers des filtres, et le peu de sanctions, voire la facilité pour les infracteurs d’être réintégrés en avançant des preuves fallacieuses. De plus, les titulaires de droits se plaignent du fait que la possibilité pour eux de trouver et de faire disparaître les biens contrefaisants est inefficace. WeChat se retranche derrière la législation sur les données pour se défendre de ne pas transmettre toutes les informations demandées. Les sanctions prononcées à l’encontre des contrefacteurs sont très faibles, voire inexistantes, et ceux-ci peuvent refaire une demande de création d’espace très aisément. Les titulaires de droits comme les autorités se plaignent d’un manque de coopération de la part de WeChat.
À noter également les entrées, sur la liste, des sites Cuevana (Argentine), Egy.best (Égypte), Indiamart (Inde), Istar, Libgen, Spider (Jordanie).
6. Les marchés physiques
Le rapport signale à nouveau, alors qu’il avait été supprimé de la liste en 2018, le marché Pacific Mall de Toronto. Il semble que, depuis cette date, le nombre de contrefaçons y a de nouveau fortement augmenté, et que ni les gestionnaires du marché, ni les autorités, n’ont pris les mesures nécessaires ou n’en ont fait une priorité.
D’autre part, les autorités de la république du Kirghizstan sont pointées du doigt pour leur manque de vigilance et d’action sur le marché Dordoy situé à Bishkek. Le rapport rappelle que ce pays est un haut lieu de réexport, et constitue donc un hub pour les biens produits en Chine.
Enfin, le marché de Bahia en Équateur, précédemment listé, a été retiré cette année.
Commentaire :
Pas de changements notables à l’exception de l’apparition de certains sites tels que WeChat et AliExpress, qui montre que les titulaires de droits américains rencontrent toujours beaucoup de difficultés dans le respect de leurs droits. Cette liste sera à comparer avec celle publiée par la Commission européenne prochainement.
1 Charlotte.BEAUMATIN@dgtresor.gouv.fr. Le service « réseau international » de l’INPI (dix agents couvrant une centaine de pays) met en œuvre les actions de coopération internationale en collaboration avec ses partenaires, institutionnels et privés. Il accompagne les entreprises à l’export en lien avec la Direction générale du Trésor.
2US Trade Representative (Bureau du représentant américain au Commerce).