Recevabilité de l’action en contrefaçon des brevets européens - Qualité pour agir du cessionnaire des brevets et du licencié exclusif - Défaut d’inscription de la cession au registre - Régularisation en cours d’instance - Opposabilité aux tiers - Faits antérieurs
Selon l'article L. 613-9, al. 1, du CPI, tous les actes transmettant ou modifiant les droits attachés à une demande de brevet ou à un brevet doivent, pour être opposables aux tiers, être inscrits sur le Registre national des brevets. Il en résulte que tant que le transfert n'a pas été inscrit au registre, l'ayant cause ne peut se prévaloir des droits découlant de l'acte lui ayant transmis la propriété du brevet et il n'est donc pas recevable à agir en contrefaçon.
De plus, il résulte de l'application combinée de ce texte et des articles L. 615-2, al. 1, du CPI et 126 du Code de procédure civile qu'à compter de l'inscription au registre du transfert de la propriété du brevet, l'ayant cause est recevable à agir en contrefaçon aux fins d'obtenir réparation du préjudice que lui ont causé les faits commis depuis le transfert, ainsi que, si l'acte transmettant les droits le spécifie, du préjudice que lui ont causé les faits commis avant le transfert.
En l’espèce, la propriété de trois brevets européens désignant la France, qui protègent des fonctionnalités de la manette de la console de jeu vidéo « PlayStation », a été cédée à une société d’un groupe japonais de l'industrie du jeu vidéo. Antérieurement à l’inscription de cette cession au Registre national des brevets, la société japonaise cessionnaire et la société à laquelle elle a accordé des licences exclusives sur ces brevets ont assigné en contrefaçon une société française qui commercialise des manettes compatibles avec les différentes versions des consoles « PlayStation ». La société qui est la distributrice exclusive des produits du groupe japonais en France l’a assignée en concurrence déloyale.
Dans l’arrêt attaqué, la cour d’appel a dit irrecevable l'action en contrefaçon de la société cessionnaire des brevets pour les actes commis antérieurement à l’inscription de la cession au registre, et a retenu, par conséquent, que l’action de la société licenciée l’était également. Elle a énoncé que si, comme le prévoit l'article 126 du Code de procédure civile, la fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée en cours d'instance, cette régularisation ne peut avoir effet que pour les actes commis postérieurement à l'inscription. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
En second lieu, selon l'article 1240 du Code civil, l'action en concurrence déloyale peut se fonder sur des faits matériellement identiques à ceux allégués au soutien d'une action en contrefaçon qui a été rejetée pour défaut de constitution d'un droit privatif ou pour inopposabilité du droit privatif aux tiers.
Or, la cour d’appel a rejeté les demandes de la société distributrice fondées sur la concurrence déloyale, en retenant que celles fondées sur la contrefaçon des brevets européens avaient été considérées irrecevables et que cette société n'invoquait pas de faits distincts de la contrefaçon. Elle a ainsi violé l’article susvisé.
Cour de cassation, ch. com., 24 avril 2024, 22-22.999 (B20240020)
Sony Interactive Entertainment Inc., Sony Interactive Entertainment Europe Ltd et Sony Interactive Entertainment France SA c. Subsonic SASU
(Cassation partielle CA Paris, pôle 5, 2e ch., 9 sept. 2022, 20/12901 ; B20220066)