Jurisprudence
Indications géographiques

Rejet du recours formé contre la décision d’homologation de l’IG Linge basque

PIBD 1171-III-7
CA Bordeaux, 12 octobre 2021

Demande en nullité ou caducité du recours - Recevabilité (non)

Homologation d’indication géographique - 1) Caractéristiques du produit propres à la zone géographique - Origine des matières premières - Réputation et savoir-faire - Lien entre le produit et la zone géographique - 2) Représentativité des opérateurs de l’organisme de défense et de gestion - Atteinte au droit de la concurrence

Texte
Linge basque (© Tissage Lartigue)
Texte

Le recours en annulation de la décision d’homologation de l’indication géographique Linge basque est rejeté.

Les spécificités revendiquées dans le cahier des charges sont bien propres à la zone géographique visée (les Pyrénées-Atlantiques).

Tout d’abord, la loi du 17 mars 2014, dite loi Hamon, à l’origine de la création des indications géographiques protégeant les produit industriels et artisanaux, n'exige pas que les matières premières utilisées pour la confection des produits proviennent impérativement de la zone géographique concernée, comme l'a jugé un arrêt de la cour de cassation[1]. Par conséquent, la disparition de la culture du lin dans les Pyrénées-Atlantiques n'est pas de nature à enlever au linge basque sa spécificité naturelle.

De plus, le fait que la réputation de robustesse et d'authenticité du linge basque et le savoir-faire des tisserands ne soient pas exclusivement réservés au linge basque n'enlève rien à la réalité de la réputation de ce produit. Le cahier des charges, l'enquête publique et les consultations auxquelles l'INPI a procédé établissent en effet la tradition de tissage ancrée dans le département des Pyrénées-Atlantiques et une réputation de qualité du linge basque, assise sur un savoir-faire ancestral issu d'une tradition artisanale et industrielle qui perdure encore dans ce département.

Enfin, la requérante est mal fondée à invoquer une absence de lien entre le produit et son origine géographique. L'activité de tissage constituant historiquement l'essence du linge basque à l'origine de sa réputation, il apparaît justifié d'imposer la réalisation du tissage sur ce territoire, condition que la société requérante ne remplit pas.

La représentativité des opérateurs au sein de l’organisme de gestion et de défense (OGD) par rapport aux entreprises de tissage du territoire concerné est établie.

Les statuts du syndicat garantissent, par leurs règles de composition et de fonctionnement, la représentativité des opérateurs, puisque le syndicat se compose essentiellement des membres opérateurs tels que définis à l’article L. 721-5 du CPI, que les décisions sont prises à la majorité des suffrages exprimés, et que toute personne considérée comme opérateur au sens de l’article précité est automatiquement adhérente au syndicat. Il en résulte que la société requérante pourrait ainsi devenir membre de l'OGD de plein droit, dès lors qu'elle rapatrierait ses ateliers de tissage dans les Pyrénées-Atlantiques. Par ailleurs, il apparaît que la représentativité des opérateurs composant l'ODG est équilibrée par rapport à l'ensemble des opérateurs pour le linge basque.

Enfin, l'octroi d’une IGPIA ne peut constituer une concurrence déloyale, s'agissant d'un monopole légitime accordé aux fins de valoriser les produits et les savoir-faire des entreprises dans les territoires et de les protéger contre l'utilisation abusive des dénominations géographiques.

Cour d’appel de Bordeaux, 1re ch. civ., 12 oct. 2021, 20/04690[2]
Les tissages de St Jean de Luz SARL c. Syndicat des tisseurs du linge basque d'origine et INPI
(Rejet recours c. décision INPI, 15 oct. 2020, 2020-93)

 

 

 

[1] Cass. com., 14 avril 2021, Porcelaines Deshoulières SARL et. al. c. INPI et al., 19/10327.

[2] Depuis l’entrée en vigueur du dispositif des indications géographiques protégeant les produits industriels et artisanaux (IGPIA), introduit par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, relative à la consommation, dite loi Hamon, douze décisions d’homologation ont été rendues par l’INPI.

À ce jour, outre l’arrêt ci-dessus publié, trois arrêts ont été rendus dans le cadre de recours contre des décisions d’homologation d’IG (CA Paris, pôle 5, 1re ch., 25 sept. 2018, Porcelaine Deshoulières SARL et. al. c. INPI et al., 18/00624, PIBD 2018, 1102, III-642 et Cass. com., 14 avril 2021, Porcelaines Deshoulières SARL et. al. c. INPI et al., 19/10327, précité concernant l’IG Porcelaine de Limoges ; CA Bordeaux, 1re ch. civ., 23 mars 2021, Association Française des Indications Géographiques Industrielles et Artisanales c. INPI et al., 19/06730, PIBD 2021, 1158, III-10 concernant l’IG Pierres Marbrières de Rhône-Alpes. Deux arrêts ont également été rendus dans le cadre de recours contre des décisions de rejet d’homologation de l’IG Savon de Marseille(CA Paris, pôle 5, 2e ch., 15 déc. 2017, Association Savon de Marseille France et al. c. INPI, 17/03574, PIBD 2018, 1086, III-72 ; Propr. intell., 67, avr. 2018, p. 67, note de C. Le Goffic ; L'Essentiel, mars 2018, p. 7, note de S. Chatry et CA Paris, pôle 5, 2e ch., 22 nov. 2019, Association Savon de Marseille France c. INPI, 18/15257, PIBD 2019, 1128, III-578).