Décision INPI - Élément nouveau - Arrêt de la CJUE postérieur au projet de décision - Principe du contradictoire
Rejet d’une demande de CCP - Médicament - Droit de l’UE - Protection du produit par le brevet de base - Définition fonctionnelle du produit - Produit spécifiquement identifiable
C'est à juste titre que la demande de CCP portant sur le produit « osimertinib » a été rejetée, ce principe actif n'étant pas protégé par le brevet de base au sens de l'article 3 a) du règlement (CE) n° 469/2009 concernant le CCP pour les médicaments, tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, notamment l’arrêt Royalty Pharma1.
Le brevet de base invoqué couvre une méthode de traitement de cancers résistants au gefitinib et repose sur l’administration d’inhibiteurs irréversibles de l’EGFR. La demande de CCP fait également référence à une AMM octroyée à une société tierce pour une spécialité pharmaceutique ayant pour principe actif l’osimertinib.
L’osimertinib, objet du CCP, est implicitement et nécessairement visé par le brevet de base. S’il n’appartient pas au groupe de composés expressément mentionnés dans la revendication 24 du brevet de base, il n’est pas contesté qu’à ce jour il fait partie de la catégorie générale des inhibiteurs du récepteur de l'EGFR et répond donc à la définition fonctionnelle mentionnée dans la revendication 23.
En revanche, il n’est pas établi, que le produit est identifiable de façon spécifique par l’homme du métier, à la lecture du brevet de base et à la lumière de ses connaissances générales dans le domaine considéré et de l'état de la technique, à la date du dépôt ou de priorité du brevet. Les requérantes ne peuvent procéder uniquement par affirmation en soutenant qu’il suffisait à celui-ci d’effectuer des tests faisant partie de la formation de base du biochimiste, permettant ainsi d'aboutir aux inhibiteurs irréversibles de l'EGFR, sans apporter aucun élément de preuve, tels des publications scientifiques ou des témoignages d'homme du métier, corroborant leur thèse.
Plusieurs années de recherche ont d’ailleurs été nécessaires pour identifier précisément et spécifiquement l'osimertinib, en tant que principe actif, qui n'a ainsi fait l'objet d'un brevet déposé par une société tierce que six années plus tard. Ceci confirme que l'homme du métier ne connaissait pas le produit à la date du dépôt du brevet de base et ne pouvait le déduire directement et sans équivoque de celui-ci, sa découverte ayant été le fruit de plusieurs années de recherches complexes.
Si les éléments produits par les requérantes (brevets postérieurs portant sur l’osimertinib, publications scientifiques) démontrent que le brevet de base a incontestablement alimenté l'état de la technique et permis de faire avancer la recherche en matière d'inhibiteur du récepteur de l'EGFR, ils ne permettent nullement d'établir que le principe actif osimertinib, ayant permis d'aboutir au médicament ayant donné lieu à l’AMM, ne serait pas le fruit d'une activité inventive autonome, au sens de l’arrêt Royalty Pharma précité.
Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 9 février 2021, 19/19410 (B20210011)2
Wyeth LLC et The General Hospital Corporation c. INPI
(Rejet recours c. décision INPI, 1er août 2019)
1CJUE, 4e ch., 30 avr. 2020, Royalty Pharma, C-650/17 ; B20200016 ; PIBD 2020, 1140, III-1 ; Europe, juin 2020, comm. 211, note de L. Idot.
2Sur le rejet de demandes de CCP notamment pour défaut de protection du produit par le brevet de base au sens de l’article 3 a) du règlement (CE) n° 469/2009 concernant le CCP pour les médicaments, voir également deux arrêts similaires récents rendus le même jour et opposant les mêmes parties à l’INPI : CA Paris, pôle 5, 1re ch., 19 janv. 2021, Ono Pharmaceutical Co. Ltd et Tasuku H c. INPI, 18/10540 ; B20210003 ; PIBD 2021, 1154, III-1 avec une note de V. Landais et 18/10522 ; B20210007.