Jurisprudence
Brevets

Responsabilité personnelle du gérant - Inexécution d’un accord de développement de procédé conclu entre deux sociétés

PIBD 1176-III-1
Cass. com., 1er décembre 2021

Responsabilité personnelle du gérant - Faute détachable de ses fonctions - Accord de développement et de dépôt d’un brevet conclu entre des sociétés - Manquement aux obligations - 1) Dépôt d’une demande de brevet au nom du gérant - Tiers au contrat - 2) Défaut de restitution de l’avance concédée

Texte

Un accord conclu entre deux sociétés prévoyait le versement, par la première, d'une avance en contrepartie de l'engagement de la seconde de développer un procédé et de déposer, avant une date convenue, un brevet portant sur celui-ci, sous peine de devoir rembourser le montant de l'avance versée. Estimant que l'accord n'avait pas été exécuté, la première société a formé une demande en remboursement de l'avance à l’encontre de la seconde société et de son gérant.

La cour d’appel a retenu qu’en déposant la demande de brevet à son nom, le gérant a privé la société dont il avait la gestion de tout droit sur ce brevet et qu’en ne respectant pas l'accord qu'il avait pourtant lui-même signé en qualité de gérant, il a commis, dans la gestion de la société, une faute personnelle détachable de son mandat. Or, elle avait constaté, d'une part, qu’il était l'unique inventeur du procédé breveté et qu'il n'était pas personnellement lié par l'accord conclu entre les sociétés, de sorte qu'il était en droit de déposer le brevet à son nom, et, d'autre part, qu’ayant été effectué par la personne physique à titre personnel, et non en qualité de gérant, ce dépôt ne pouvait pas constituer une faute commise dans la gestion de la société. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1165 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et L. 223-22, al. 1er, du Code de commerce.

Par ailleurs, la cour d’appel a retenu que le défaut de restitution à la société demanderesse de l’avance par elle versée, à une époque où rien ne permettait de retenir que la seconde société ne disposait pas des fonds suffisants pour y procéder, résultait uniquement de la résistance fautive imputable au gérant. En se déterminant ainsi, sans établir que cette résistance constituait une faute d'une particulière gravité, incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1240 du Code civil et L. 223-22 al. 1er du Code de commerce. 

Cour de cassation, ch. com., 1er décembre 2021, 19-25.905 (B20210095)
M. U c. Unither Pharmaceuticals SAS
(Cassation CA Amiens, ch. éco., 24 sept. 2019, 18/01725, B20190061)