Rétractation de l’ordonnance ayant autorisé la saisie-contrefaçon (non) - Requête en saisie-contrefaçon en cours d'instance - Saisie-contrefaçon sur le fondement du droit des brevets - Compétence pour autoriser une saisie-contrefaçon
Il n’y a pas lieu de rétracter l'ordonnance sur requête ayant autorisé la saisie-contrefaçon au cours de l’instance au fond.
L'article 812 alinéa 1 du Code de procédure civile dispose que le président du tribunal est saisi par requête dans les cas spécifiés par loi. Or, en matière de saisie-contrefaçon de brevet, la loi a institué un cas spécifique d'ordonnance sur requête, selon une procédure exorbitante du droit commun, prévue à l'article L. 615-5 du CPI. Si le dernier alinéa de ce texte impose des conditions de délais quant à la saisine au fond de la juridiction, cette disposition ne saurait, en soi, en l'absence d'autre mention expresse, exclure la possibilité de recourir à une saisie-contrefaçon, une fois cette instance au fond introduite1. En effet, en cours de procédure, toute partie peut avoir intérêt à y recourir pour établir que les faits de contrefaçon allégués perdurent ou pour déterminer l'étendue du préjudice subi.
Il n'y a donc pas lieu d'imposer au requérant le respect des dispositions édictées par l'alinéa 2 de l'article 812 du Code de procédure civile imposant une situation d’urgence et la nécessité de déroger au contradictoire, qui ont vocation à régir les ordonnances sur requête uniquement dans des hypothèses où elles ne sont pas prévues « dans les cas spécifiés par la loi ». Il n’est pas non plus nécessaire d’imposer une application cumulative des deux textes, sauf à ajouter à la législation applicable en matière de saisie-contrefaçon des conditions qu'elle n'impose pas.
Par ailleurs, une fois l'instance introduite, le requérant ne peut présenter sa requête que devant le juge du fond déjà saisi du contentieux, en vertu de l'article 812 alinéa 3 du Code de procédure civile, lui-seul étant le mieux à même de juger de la nécessité de la mesure, au regard des intérêts en présence et du respect des droits de la défense. Ainsi, en l’espèce, la requête aux fins de saisie-contrefaçon a été présentée au président de la 3e section de la 3e chambre civile du tribunal, saisi du fond du litige, qui l'a autorisée, conformément aux dispositions de l'article L. 615-5 du CPI.
Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 15 décembre 2020, 2020/05642 (B20200067)
LSO Médical SAS c. Biolitec Pharma Marketing Ltd
(Confirmation TJ Paris, 3e ch., 3e sect, ord. réf., 6 mars 2020, 2019/14592)
À notre connaissance, la jurisprudence sur la compétence du juge pour autoriser une saisie-contrefaçon alors que l'instance au fond est déjà engagée semble considérer que la partie qui sollicite une telle mesure doit agir sur le fondement des dispositions de l’article 812 du Code de procédure civile et non de celles, spécifiques, du Code de la propriété intellectuelle. Voir dans ce sens :
- CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 22 oct. 2020, Groupe EH SARL c. La Cig'arrete SARL, 2019/09330 (M20200203) ;
– Cass. com, 14 févr. 2012, Société Générale de Gestion Cinématographique SA et al., c. Sidonis Production NC SARL et al., U/2011/12619 (M20120075 ; PIBD 2012, 960, III-274 avec une note : « le tribunal de grande instance de Paris étant saisi au fond de l'instance portant sur la commercialisation des vidéogrammes litigieux, seul le président de la chambre de ce tribunal à laquelle l'affaire avait été distribuée était compétent pour ordonner sur requête une mesure de saisie-contrefaçon, la cour d'appel a violé [l'article 812 du code de procédure civile et l'article L. 716‑7 du code de la propriété intellectuelle] » ;
– CA Paris, pôle 5, 2e ch., 20 janv. 2012, Pellenc SA c. CNH France SA et al., 2010/00626 (B20120009) ;
– CA Paris, pôle 5, 2e ch., 2 déc. 2011, SPIE SCGPM SA c. DGLA SARL et al., 2010/06235 (D20110213 ; PIBD 2012, 959, III-256) ;
– TGI Paris, 3 e ch., 1re sect., 15 nov. 2011, J.C. Bamford Excavators Ltd et al. c. CNH France SA et al., 2010/15560 (B20110184 ; PIBD 2012, 958, III-197) ;
– TGI Paris, 3e ch., 3e sect., 14 janv. 2009, Abbott Ireland et al. c. Evysio Medical Devices Ulc, 14 janv. 2009, 2007/11208 (B20090030 ; PIBD 2009, 901, III-1267) ;
– Cass. com., 26 mars 2008, Morgan c. Folia, F/2005/19782 (M20080135 ; PIBD 2008, 875, III-340 ; D, 33, 25 sept. 2008, p. 2332, note de T. Lancrenon ; Comm. com. électr., 5, mai 2008, p. 25, note de C. Caron) : « Dès lors que la juridiction est saisie au fond, seul l'article 812 du Code de procédure civile est applicable à l'exclusion de l'article L. 716-7 du Code de la propriété intellectuelle ».