d’après l’article d’Andrew Bowler* et de Sam Harvey* : Hoes, hose and what the public knows, in IPM, juin 2021, p. 57-58
Les auteurs rendent compte de deux affaires où la validité du brevet a été contestée pour usage antérieur public. Les inventions, un tuyau d’arrosage et une machine agricole, avaient fait l’objet d’essais à l'extérieur avant le dépôt du brevet. Quand peut-on considérer que l’invention a été rendue accessible au public et que l’homme du métier peut en comprendre les caractéristiques ? Dans ces deux affaires, les juges anglais sont arrivés à des conclusions différentes.
Dans l’affaire Emson c. Hozelock, l’inventeur avait conçu, fabriqué et testé des prototypes de son tuyau d’arrosage chez lui, à l’extérieur de sa maison. En théorie, tous ceux qui étaient dans la rue devant la propriété de l’inventeur pouvaient voir ce que celui-ci faisait. Le juge a cependant accepté l’argument de l’inventeur selon lequel s’il avait été observé, il s’en serait aperçu et il aurait rentré son matériel à l’intérieur de sa maison.
Ainsi, le juge a fait la distinction entre les informations qui sont rendues accessibles au public, mais auxquelles le public n’accède pas, et les informations auxquelles aucun membre du public n’aurait pu effectivement avoir accès. Bien qu’un membre du public ait pu se tenir dans la rue devant la propriété de l’inventeur, il n’aurait pas pu comprendre les informations relatives à l’invention puisque l’inventeur serait rentré à l’intérieur.
L’affaire Claydon c. Mzuri, qui porte sur un semoir mécanique traîné par un tracteur, a connu une tout autre issue. L’inventeur a testé un prototype de son semoir, avec l’aide de son frère, dans un champ qui lui appartenait. Au bord de ce champ se trouvait d’un côté, une haie d’environ 1,8 m de hauteur, avec des trous à trois endroits, et de l’autre côté, un chemin ouvert à tous. L’inventeur a reconnu que le public pouvait emprunter ce chemin et donc, en théorie, observer les essais mais que rien n’indiquait que cela avait été le cas. Cependant, tout semblait montrer que l’homme du métier aurait été capable de déduire les caractéristiques clés du semoir, soit en l’observant directement, soit en observant ses effets sur le sol.
Lorsqu’on lui a demandé ce qu’il aurait fait s’il s’était rendu compte qu’il était observé, l’inventeur a répondu qu’il aurait manœuvré le tracteur de façon à ce que le semoir ne soit pas visible du chemin. Cela n’a pas convaincu le juge qui a douté que l’inventeur soit capable de dire avec certitude ce qu’il aurait fait vingt ans auparavant dans de telles circonstances. Il a finalement été jugé que l’invention avait été rendue accessible au public. Le juge a cependant reconnu que d’un point de vue pratique, il était évidemment plus difficile de garder une machine agricole à l’abri des regards qu’un tuyau d’arrosage.
* Bristows.