d’après l’article de Miquel Montañá*: Covid-19 and India’s and South Africa’s attempt to reopen the TRIPS Pandora’s box: a proposal made in vain?, in EIPR, (43), 6, juin 2021, p. 349-351
À l’automne 2020, l’Inde et l’Afrique du Sud soumettaient à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) une proposition de dérogation à certaines dispositions de l’accord sur les ADPIC1. Miquel Montañá y consacre un article dans lequel il fait part de ses interrogations.
Si l’article IX de l’accord instituant l’OMC permet à un État membre d’obtenir une dérogation à des obligations, deux États membres sont-ils en droit de solliciter une telle dérogation pour le compte de l’ensemble des membres, y compris ceux qui y sont opposés ? Par ailleurs, la proposition est désormais soutenue, entre autres, par le Groupe des pays les moins avancés. Qu’une dérogation soit demandée par ou pour le compte de pays qui, en vertu des dispositions transitoires, ne sont pas tenus d’appliquer les dispositions relatives aux produits pharmaceutiques de l’accord sur les ADPIC, n’est-il pas contraire à la logique du système ?
Alors que la proposition de dérogation est d’une portée sans précédent dans l’histoire du GATT, sa justification apparaît bien mince. Elle fait état de rapports indiquant que les droits de propriété intellectuelle entravent ou risquent d'entraver la fourniture en temps utile de produits médicaux abordables aux patients, mais se borne à cet égard à citer un article de presse relayant l’appel du gouverneur du Kentucky à un fabricant de masques N95.
La portée générale de la proposition, qui affecterait même des produits sans lien avec le Covid-19, semble peu en accord avec le caractère exceptionnel de ce type de dérogation. On peut aussi se demander si, techniquement, il ne s’agit pas plutôt d’une suspension de l’application d’une partie de l’accord sur les ADPIC. Or, dans un tel cas de figure, l’article 57 de la convention de Vienne sur le droit des traités requiert le consentement de toutes les parties au traité.
S’il importe de promouvoir la solidarité plutôt que le nationalisme vaccinal, et de garantir l’accès de tous aux vaccins anti-Covid où que ce soit dans le monde, il est douteux que la proposition de l’Inde et de l’Afrique du Sud soit le bon moyen pour y parvenir. L’auteur se fait l’écho des arguments selon lesquels les obstacles sont liés non pas à la PI mais à la complexité des médicaments biologiques, aux infrastructures de santé et aux installations de production. Il ajoute que l’article 31bis de l’accord sur les ADPIC permettrait de répondre à des préoccupations qui guident la proposition. Celle-ci évoque la lourdeur des mécanismes prévus par l’article 31bis sans apporter d’élément à l’appui.
Pour l’auteur, l’initiative de l’Inde et de l’Afrique du Sud ne sera cependant pas qu’une proposition vaine. Par exemple, dès le 15 octobre 2020, l’OMC publiait une note de laquelle il ressort que l’accord sur les ADPIC comporte des mécanismes pour répondre aux besoins liés à la pandémie. Elle présentait également les mesures, dont l’auteur donne quelques exemples, déjà adoptées par des États membres et des Offices de propriété intellectuelle.
M. Montañá juge que la proposition de l’Inde et de l’Afrique du Sud a peu de chances d’aboutir dans sa forme actuelle mais qu’elle aura au moins eu le mérite de sensibiliser l’OMC et ses membres à la nécessité d’assurer la diffusion rapide et universelle des vaccins anti-Covid.
* Clifford Chance, Barcelone.
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