Jurisprudence
Marques

Usage de marques correspondant aux noms de chaînes de télévision - Atteinte vraisemblable aux droits

PIBD 1153-III-6
CA Paris, 9 octobre 2020

Mesures provisoires - Interdiction (oui) - Atteinte aux droits voisins des entreprises de communication audiovisuelle - Trouble manifestement illicite - Reproduction, diffusion et communication au public des programmes - Droit de l’UE - Caractère proportionné des mesures

Mesures provisoires - Interdiction (oui) - Atteinte vraisemblable aux droits de marque - Reproduction - Usage à titre de marque - Exception - Usage à titre de référence nécessaire - Droit de l’UE

Préjudice - Liquidation de l’astreinte - Interdiction - Poursuite des actes incriminés

Texte
Marque n° 4 408 651 de la société RMC Découverte
Marque n° 11 271 152 de la société BFM TV
Marque n° 4 435 385 de la société Diversité TV France
Texte

En reproduisant, diffusant et mettant à disposition les programmes diffusés sur les chaînes éditées par les sociétés demanderesses, sans leur autorisation, par un procédé technique spécifique différent de la transmission d’origine par voie hertzienne, la société défenderesse, opérateur de réseaux et de services de communications électroniques, a porté atteinte à leurs droits voisins d'entreprises de communication audiovisuelle, ce qui constitue un trouble manifestement illicite au sens de l’article 809 du Code de procédure civile.

La société défenderesse a également commis des actes vraisemblables de contrefaçon, en reproduisant les marques françaises et de l’UE des sociétés demanderesses sur une page de son site internet présentant le bouquet des chaines incluses dans son offre commerciale sous forme d'écrans comportant plusieurs cases, dans lesquelles figure le nom ou le logo de la chaîne, objets de l’enregistrement des marques en cause, en face du numéro attribué par le Conseil supérieur de l’audiovisuel à ces chaînes.

Elle ne peut opposer qu'elle n'a pas utilisé ces signes à titre de marque pour identifier ses propres services mais pour désigner les chaînes et leurs programmes. En effet, elle a fait usage de signes identiques à ceux enregistrés à titre de marques, pour les mêmes services de télédiffusion. Il s'agit bien d'un usage à titre de marque, les signes étant utilisés dans la vie des affaires dans le cadre de la promotion d'une offre de services de télédiffusion, pour distinguer un service de télédiffusion et non le contenu des programmes, quand bien même ils sont mentionnés pour désigner la chaîne comprise dans le bouquet objet de l'offre qu’elle propose.

Les articles L. 713-6 b) du CPI, dans sa version applicable en l’espèce, et 12 c) du règlement UE n° 207/2009 prévoient que l'enregistrement d'une marque ne fait pas obstacle à l'utilisation du même signe ou d'un signe similaire comme référence nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service. Cette utilisation nécessaire de la marque doit être faite conformément aux usages honnêtes en matière industrielle et commerciale, c'est-à-dire, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsqu'un tel usage constitue en pratique le seul moyen de fournir au public une information compréhensible et complète sur cette destination afin de préserver le système de concurrence non faussé sur le marché de ce produit ou de ce service. En l'espèce, la société défenderesse a diffusé les programmes des chaînes en cause en contrefaçon des droits voisins des sociétés éditrices des chaines et l’usage des marques ne peut donc être considéré comme nécessaire pour désigner la destination de services eux-mêmes constitutifs de contrefaçon.

Cour d'appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 9 octobre 2020, 2019/16422 (D20200030)
Free SAS c. BFM TV SAS, RMC Découverte SAS et Diversité TV France SAS
(Confirmation TGI Paris, ord. réf., 26 juill. 2019, 2019/54162)