Jurisprudence
Marques

Validité de la marque verbale IMPÉRIAL et des marques semi-figuratives constituées de collerettes de bouteilles de Champagne – Contrefaçon par l’apposition d’étiquettes sur des bouteilles destinées à l'exportation

PIBD 1206-III-5
CA Paris, 10 mars 2023

Validité de la marque verbale (oui) - Caractère distinctif - Désignation usuelle - Caractère laudatif - Fonction d'indication d'origine

Validité des marques semi-figuratives française et de l’UE (oui) - Caractère distinctif - Caractère descriptif - Représentation usuelle

Validité de la saisie-contrefaçon (oui) - Mission de l’huissier - Pouvoirs outrepassés

Contrefaçon de la marque verbale (oui) - Reproduction - Usage à titre de marque - Suppression de l’accent - Différence insignifiante - Étiquette litigieuse comprenant plusieurs mots - Tout indivisible (non) - Disposition

Contrefaçon des marques semi-figuratives française et de l’UE (oui) - Identité ou similarité des produits - Imitation - Similitude intellectuelle - Usage à titre de marque - Usage à titre décoratif - Similitude visuelle - Partie figurative - Disposition - Couleur - Différences mineures - Risque de confusion - Clientèle spécifique - Luxe

Responsabilité (oui) - Apposition des étiquettes - Détention des bouteilles - Exportation

Préjudice - Masse contrefaisante - Préjudice moral - Banalisation - Dommages-intérêts - Condamnation in solidum

Texte
Marque n° 1 440 788 de la société MHCS
Marque n° 001 720 796 de la société MHCS
Marque n° 3 466 976 de la société MHCS
Texte

La demande en nullité de la marque verbale Impérial, pour défaut de caractère distinctif, est rejetée. Les seules pièces produites représentant des bouteilles de vins de Bordeaux avec la mention « Impériale 6 L »  ne démontrent pas que ce terme est la désignation courante en France des vins de Champagne et des vins mousseux ou non mousseux visés à l’enregistrement. Il n’est pas davantage démontré que la dénomination « Impérial » est laudative, en ce qu’elle vanterait de façon habituelle les mérites de ces produits sans en garantir l'origine.

L'absence de caractère distinctif des marques semi-figuratives française et de l'Union européenne invoquées, composées d'une collerette formée par deux rubans noirs en forme de cravate, qui forment une sorte de « X » avec un liseré doré et un sceau apposé à l'intersection, n'est pas plus démontrée. Les sociétés poursuivies ne peuvent faire valoir que ces marques ne sont pas connues du public lorsqu’elles sont utilisées sans leurs parties verbales, le fait qu’elles soient connues ou non étant inopérant. Les exemples d’habillages de bouteilles de Champagne ou de vins mousseux, notamment des collerettes entourant la base du col des bouteilles, ne prouvent nullement que les marques ne sont pas distinctives pour désigner des boissons alcooliques ou vins, dès lors qu'elles ne sont pas usuelles pour désigner ces produits et qu’elles n'en décrivent pas une caractéristique.

La reproduction de la marque verbale Impérial sur l'étiquette avant de la bouteille de Champagne revêtue des mentions « Hedonist Black Edition Imperial » constitue une contrefaçon. La dénomination « Impérial » n’est pas une mention d'étiquetage utilisée en France pour désigner le format standard d'une bouteille de Champagne. Si elle est insérée, en l’espèce, dans un signe complexe, elle ne perd pas, du fait de sa position sur une ligne distincte et de ses lettres dorées même écrites en plus petits caractères, son caractère attractif dans l'ensemble constitué, sur trois lignes, des termes « Hedonist Black Edition Imperial » et ne forme pas un tout indivisible avec les autres mentions figurant sur l'étiquette. Dès lors, le terme « Imperial », apposé sur la bouteille de Champagne litigieuse, doit être considéré en tant que tel et comparé avec la marque verbale opposée Impérial. La différence visuelle tenant à la présence d’un accent est si insignifiante qu’elle passera inaperçue aux yeux du consommateur, même d'attention assez élevée, s'agissant de produits de luxe comme du Champagne.

La collerette présente sur la bouteille de Champagne « Hedonist Black Edition Imperial » constitue la contrefaçon par imitation des marques semi-figuratives française et de l’Union européenne invoquées. Visuellement, les signes en cause sont constitués d'une étiquette en forme de cravate (apposée sur une bouteille pour deux des marques de l'Union européenne invoquées), composée de deux rubans noirs superposés dont les extrémités sont coupées en biseau et ornés d'un liseré, qui s'entrecroisent en formant un « X », ainsi que d'un élément de forme circulaire, tel un sceau, apposé à l'intersection des deux rubans, de couleur rouge, grise ou bleue pour les marques opposées, dorée pour le signe incriminé. D'un point de vue conceptuel, il s'agit dans tous les cas de collerettes destinées à habiller le col d'une bouteille de Champagne, et non pas d'un simple décor. Les quelques différences, tenant notamment à la position et la longueur des pans du ruban, au positionnement, à la composition ou à la couleur du sceau ou encore à la présence des dénominations respectives des parties, ne sont pas de nature à exclure un risque de confusion ou d’association dans l’esprit du consommateur de Champagne, d'autant que les signes sont utilisés pour désigner des produits identiques ou similaires.

La société qui a apposé les étiquettes contrefaisantes sur les bouteilles de Champagne « Hedonist Black Edition Imperial » et qui a détenu les bouteilles engage sa responsabilité. En effet, l'apposition et l'usage dans la vie des affaires d'une marque contrefaisante constituent des actes de contrefaçon. Ceux-ci ont bien été commis sur le territoire français, peu important le fait que les bouteilles aient vocation à être exportées. Par ailleurs, la société qui a commandé les bouteilles et les a exportées en Allemagne est également responsable des actes de contrefaçon.

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 10 mars 2023, 21/06275 (M20230038)
MHCS SA c. Champagne [F] & Fils SA et Les Terrasses de l’Arago SARL
(Infirmation partielle TJ Paris, 3e ch., 2e sect., 26 févr. 2021, 19/02945)