Doctrine et analyses
Comptes rendus

Vietnam : qui est responsable en cas de contrefaçon de brevets par des médicaments importés ?

PIBD 1148-II-1

d'après l'article de Loc Xuan Le* : Who is responsible when imported drugs infringe patents?, in MIP, 287, automne 2020, p. 73-74

Texte

Les importateurs et distributeurs peuvent-ils être tenus pour responsables de la contrefaçon du brevet qui protège les produits qu’ils importent et distribuent ? Telle est la question soumise au tribunal populaire de haut niveau de Ho-Chi-Minh-Ville.

Le demandeur dans cette affaire est un laboratoire pharmaceutique multinational, titulaire d’un brevet vietnamien sur un composé utilisé pour traiter le diabète. Il a appris qu’un médicament contenant le principe actif protégé par son brevet circulait sur le marché vietnamien. Le médicament en question est fabriqué au Pakistan et importé et distribué par une société vietnamienne.

Le demandeur a choisi de lancer une action en contrefaçon, non contre le fabricant, mais contre l’importateur-distributeur du médicament litigieux. Le demandeur a fait ce choix afin de ne pas retarder la procédure étant donné le peu de présence du fabricant sur le marché vietnamien et les complications éventuelles liées à une procédure contre une société étrangère.

En première instance, l’importateur vietnamien a reconnu que le produit qu’il importait pouvait être contrefaisant et il a cessé de l’importer et de le distribuer dès le lancement de l’action en contrefaçon. Il a néanmoins soutenu qu’il ne pouvait être considéré comme contrefacteur pour les raisons suivantes : le contrat d’importation-distribution contient une disposition selon laquelle le fabricant assume l’entière responsabilité pour toutes les questions relatives à la propriété intellectuelle ; l’importateur-distributeur ne peut être tenu pour responsable pour un produit qu’il ne fabrique pas lui-même et qu’il se contente d’importer et de distribuer.

Cet avis n’était pas partagé par le défendeur qui a rappelé que toute utilisation d’une invention brevetée sans le consentement du titulaire du brevet était un acte contrefaisant. De plus, l’« utilisation d’une invention brevetée » est clairement définie à l’article 124, 1er paragraphe de la loi vietnamienne sur la propriété intellectuelle : elle comprend l’importation et la distribution de produits. Quant au contrat conclu entre le fabricant et l’importateur-distributeur, il n’engage qu’eux et non les tiers.

Le jugement rendu en première instance a été controversé. En effet, le tribunal populaire de Ho-Chi-Minh-Ville a jugé que le défendeur n’était pas contrefacteur parce que le demandeur n’avait pas, au préalable, assigné le fabricant en contrefaçon et qu’il n’y avait pas de jugement selon lequel la fabrication du médicament était contrefaisante. Selon le tribunal, il aurait fallu commencer par déterminer si le fabricant était contrefacteur avant de se demander si l’importateur-distributeur faisait acte de contrefaçon.

Le demandeur a interjeté appel devant le tribunal populaire de haut niveau de Ho-Chi-Minh-Ville qui a demandé au fabricant d’être représenté au procès. Le représentant du fabricant a argué que l’affaire ne le concernait pas et il a réfuté les arguments du défendeur. Le tribunal a décidé de renvoyer l’affaire devant la juridiction inférieure en soulignant que celle-ci avait commis une erreur de droit. En particulier, il a avancé que le demandeur avait le droit d’assigner qui il voulait et que ce n’était pas au tribunal de le lui dire. Il a aussi considéré que l’importateur-distributeur était responsable de ses propres activités commerciales. Enfin, le tribunal a jugé que le contrat conclu entre le fabricant et l’importateur-distributeur ne liait que ces deux parties et aucune tierce partie.

* Tilleke & Gibbins, Hanoï.