Titularité des droits d’auteur (oui) - Présomption - Exploitation sous le nom de la personne morale - Cessionnaire des droits - Qualité de coauteur du défendeur (non)
Protection au titre du droit d'auteur (oui) - Originalité - Disposition - Couleur - Représentation d’éléments de la nature - Usage courant - Stylisation - Effort de création - Choix arbitraire - Recherche esthétique
Contrefaçon (oui) - Reproduction servile - Reproduction des caractéristiques protégeables - Différences mineures - Importation, offre en vente et vente - Produit authentique - Atteinte au droit moral
Préjudice patrimonial - Baisse des ventes - Clientèle spécifique - Préjudice moral - Qualité inférieure - Atteinte à l'image de marque
Concurrence déloyale et parasitaire (oui) - Reproduction du logo - Service après-vente de pièces détachées - Nom de domaine reproduisant la dénomination sociale - Notoriété - Risque de confusion - Produit authentique - Effet de gamme - Appropriation de la paternité des œuvres - Volonté de profiter des investissements et du savoir-faire d'autrui - Dénigrement (non)
Responsabilité du gérant de la société défenderesse (non) - Faute personnelle - Ancien salarié de la société demanderesse
Le défendeur, ancien salarié de la société demanderesse, n’est pas coauteur de certains des jeux éducatifs invoqués. Les échanges de courriers électroniques versés aux débats démontrent tout au plus qu'il a prodigué des conseils pour des modifications qui ont été réalisées par son employeur ou par des tiers non identifiés. Or, ces éléments ne viennent pas démontrer que les jeux en cause auraient été créés sous son impulsion et sous ses instructions, d'autant que sa mission d'agent commercial ne comprenait aucun travail créatif et que l'originalité revendiquée des œuvres ne se limite pas à leur seul aspect graphique.
L’originalité de chacun des huit jeux invoqués est revendiquée, dans son ensemble (éléments visuels, plateau, pièces et cartes consignes), à travers les choix retenus avec comme objectif, dans la concrétisation formelle du jeu, de générer une attractivité auprès de l'enfant. Malgré la présence, dans plusieurs jeux, d’illustrations qui sont banales pour ce type de produits (ex. fantômes souriants), la composition globale des jeux témoigne de choix arbitraires révélateurs d'un processus créatif et original.
Ainsi, l’originalité du jeu « Cactus » résulte notamment de la composition générale, de l'agencement des éléments du jeu pédagogique, des couleurs, de la figuration spécifique représentée sur des pièces du puzzle qui, une fois assemblées, représentent un cactus stylisé et différents éléments qui l'environnent (soleil, nuages, animaux et végétaux), du positionnement spécifique des indices sur la structure nue du cactus au recto des cartes consignes, des symboles codifiés figurant sur la carte de décodage et de la correspondance code/pièces du puzzle. Il s’en déduit que, même si l'univers du désert avait déjà été utilisé dans des images à destination des enfants, les visuels réalisés révèlent un effort créatif et constituent, par les moyens mis en œuvre et l'attractivité du décor, une œuvre protégeable au titre du droit d'auteur. Il en va de même s’agissant du jeu « Corail » qui correspond à une déclinaison du jeu précédent dans l’univers aquatique et qui reprend des choix arbitraires identiques pour la présentation visuelle des pièces du puzzle.
Par ailleurs, la reprise de façon stylisée d'un visuel d'escargots souriants rangés en file indienne, pourtant usuel, pour le jeu des demandeurs « La promenade des escargots », avec des choix de plateaux et de disques évidés, de tailles différentes, correspondant à des niveaux de difficultés croissants, associés à des couleurs vives, manifeste une réflexion personnelle avec une recherche esthétique et créative rendant ce jeu original.
La contrefaçon est caractérisée par la reproduction à l’identique des caractéristiques protégeables des jeux pédagogiques, ainsi que par l’importation, l’offre en vente et la vente des produits incriminés. La société demanderesse a subi un préjudice moral causé par l'atteinte à son image de marque et à sa réputation commerciale, s'agissant de produits fabriqués en Chine dans un conditionnement sommaire, alors qu'elle-même communique sur la fabrication française de ses produits en conformité avec les besoins de la clientèle très spécifique, notamment constituée d'établissements scolaires, et avec les spécificités du marché français, remettant ainsi en cause l'exigence de qualité et d'exclusivité mise en avant auprès de sa clientèle. Le créateur et illustrateur des jeux, qui a cédé ses droits d’exploitation, a subi une atteinte à son droit moral causée par une reproduction dénaturée de son œuvre, à travers l'exploitation non autorisée de jeux qu'il a créés et qui ont été fabriqués à l'étranger, importés et vendus en France dans des conditionnements inappropriés.
Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 10 novembre 2020, 2018/02205 (D20200029)
Jean-Michel H et Colemoi EURL c. Patrice L et Ludia SASU
(Confirmation TGI Paris, 3e ch., 4e sect., 30 nov. 2017, 15/07103)
Les décisions de justice statuant sur une action en contrefaçon de jeux de société ou de jeux pédagogiques1 sur le fondement du droit d’auteur et/ou du droit des dessins et modèles, qui ont été portées à notre connaissance, sont assez rares.
Leur examen met en lumière l’intérêt de la décision ci-dessus présentée, qui se distingue au premier abord par le nombre de jeux pédagogiques invoqués, mais également par les points juridiques traités, telle la revendication de la qualité de coauteur de l’ancien salarié de la société demanderesse ou la demande au titre de l'atteinte au droit moral2 du créateur des jeux.
La question de la validité du modèle ou, comme dans la décision publiée, de l’originalité de l’œuvre a en revanche été soulevée dans la majorité des décisions.
Une affaire récente a opposé les créateurs d’un jeu à destination des enfants, appelé « Coccimod » et décliné en plusieurs versions, à la société et au gérant poursuivis dans la décision publiée ci-dessus. Le jeu, dont la contrefaçon sur le fondement du droit d’auteur était invoquée, consiste en un plateau en forme de coccinelle, de couleur jaune, composé de plaques et de fiches. La cour d’appel a relevé que le jeu Coccimod 1 et 2 comprenait un ensemble d'éléments et accessoires « présentant une forme particulière, des couleurs particulières, selon un agencement réfléchi particulier lui conférant un aspect esthétique qui porte l'empreinte de la personnalité des auteurs, qui ont combiné cet aspect esthétique à un caractère ludique et pédagogique » (CA Aix-en-Provence, 2e ch., 21 juin 2018, Jean-Michel H et al. c. Christine D et al., 15/12602 ; D20180124). Elle a conclu que le jeu « revêtait une forme originale éligible aux droits d’auteur, celui-ci n’étant pas conditionné par un quelconque impératif technique ». Par ailleurs, la cour a jugé que le jeu incriminé, dénommé également « Coccimod » et présenté sur le site internet de la société défenderesse comme une nouvelle version du jeu invoqué, reprenait les éléments essentiels originaux, avec des modifications mineures. En outre, la société défenderesse a commercialisé un jeu dénommé « La Pomme » qui reprenait les éléments caractéristiques du jeu invoqué, dont il constitue une œuvre dérivée.
Dans une autre affaire, une cour d’appel a jugé que le jeu revendiqué, un puzzle dénommé « Le monde magnétique », était protégeable au titre du droit d’auteur. Elle a dit que le puzzle empruntait « au fonds commun pour ce qui est des dessins naïfs qui sont le propre des livres et jeux pour enfants, de la reprise de symboles connus pour représenter les pays ou régions du monde (neige et glace en Sibérie et au Groenland, cow-boy, indien et bison en Amérique du Nord, chameau au Sahara, Taj Mahal en Inde, danseurs de flamenco en Espagne, kangourou en Australie...), du choix banal de couleurs chaudes (jaune, rose) pour illustrer les régions au climat chaud ou au contraire de couleurs froides (blanc, bleu) pour celles au climat froid et de la couleur bleu pour colorer les mers et océans ». Néanmoins, elle a estimé que le produit traduisait « un certain effort créatif qui tient à la multiplicité des illustrations, principales et secondaires, aux fonds très travaillés quant aux dessins et couleurs et aux saynètes richement illustrées, composées de personnages, d'animaux, de végétaux, d'objets et d'éléments géographiques ou culturels » et que « le choix et la combinaison de ces éléments, du fait de leur agencement particulier, fruit de choix arbitraires, confère au puzzle de la société JURATOYS une physionomie propre qui traduit un effort créatif et un parti pris esthétique portant l'empreinte de la personnalité de l'auteur» (CA Paris, pôle 5, 1re ch., 12 déc. 2017, Juratoys SAS c. Éditions Auzou SAS, 16/10085 ; D20170127).
Cependant, la demande en contrefaçon a été rejetée, faute de reprise par le jeu incriminé des caractéristiques originales du puzzle. La cour a relevé que si les jeux en conflit présentaient une impression d’ensemble commune, dès lors qu’ils représentent des cartes du monde illustrées au moyen de couleurs vives et selon un style naïf, les couleurs employées différaient toutefois nettement pour les zones autres que les mers et océans et les espaces polaires. Par ailleurs, elle a estimé que les ressemblances dans le choix des illustrations se rapportaient « à des représentations symboliques usuelles des zones du monde concernées que la société JURATOYS ne peut prétendre s'approprier». Ainsi, elle a conclu qu’il existait des différences entre les deux cartes (représentation sur le puzzle revendiqué de saynètes transversales sur plusieurs pays, lignes différentes employées pour figurer les frontières…), le puzzle revendiqué se caractérisant, au premier examen, par une plus grande diversité et une plus grande richesse des illustrations. Auparavant, il avait pourtant été ordonné en référé des mesures d’interdiction provisoire et d’octroi d’une provision. La cour d’appel avait en effet considéré que l’originalité du jeu « Le Monde magnétique » était établie et que la société demanderesse avait subi un trouble manifestement illicite, la contrefaçon par le puzzle « Mon premier atlas à jouer » étant démontrée avec l'évidence requise. Mais, cet arrêt a été cassé sur ce point, les juges, « en statuant ainsi, alors que la société Auzou soutenait que l'essentiel des caractéristiques dont la société Juratoys revendiquait la protection, relevait du domaine des idées et du fonds commun des jeux, et que leur combinaison n'était pas reprise par le puzzle incriminé », ayant tranché, à tort, une contestation sérieuse (Cass. civ., 6 avr. 2016, N/15/12376 ; D20160050 ; PIBD 2016, 1050, III-440). Enfin, la société Juratoys a également échoué sur le fondement de la concurrence déloyale, la recherche d’un risque de confusion n’étant pas démontrée, même si le puzzle invoqué se situe sur le même marché des jeux éducatifs et livres ludiques que le coffret litigieux composé d'un livre et d'un puzzle magnétique, les produits n’étant pas présentés au consommateur de la même façon en boutique et sur Internet, et la notoriété du jeu invoqué n’étant pas établie.
Un autre arrêt concernait le jeu de société intitulé « Karbone 14 », présenté comme ayant pour principe d’associer à un événement donné, une date déterminée aléatoirement par les dés, les joueurs devant indiquer si l’événement cité s’est déroulé avant ou après cette date. Une cour d’appel a estimé que « pour caractériser l'originalité de sa création, Hassen B se borne à énoncer une règle du jeu laquelle ne peut, quand bien même serait-elle le résultat de choix arbitraires, constituer à elle seule, indépendamment de la forme ou de la présentation originale qui a pu lui être donnée, une œuvre de l'esprit protégée par le droit d'auteur », avant de conclure, qu’en l’espèce, le principe de jeu revendiqué était demeuré au stade de l’idée, sans atteindre l’expression d’une forme originale (CA Paris, pôle 5, 1re ch., 17 oct. 2012, Hassen B c. France Télévisions SA et al., 10/23778 ; D20120163). En revanche, elle a retenu la validité des modèles représentant le couvercle de la boîte du jeu, le plateau, une carte à jouer et un pion. À cet égard, la cour a notamment dit que le plateau de jeu « Trivial Pursuit » ne constituait pas une antériorité de toutes pièces, dès lors qu’il différait du plateau de jeu invoqué par les couleurs et le logo central. Elle a estimé que le plateau de jeu invoqué était donc nouveau et qu’il présentait un caractère propre. Toutefois, pour rejeter la demande en contrefaçon des modèles, l’arrêt a relevé qu’il n’existait aucune ressemblance entre le jeu télévisé incriminé et les éléments du jeu revendiqué. Il a notamment considéré que « le jeu de télévision ne montre ni pions ni plateau de jeu, mais un plateau de décor translucide et blanc qui ne reproduit aucunement les caractéristiques précédemment énoncées du plateau revendiqué ».
Dans une autre affaire, une cour d’appel a retenu l’originalité d’un jeu d’éveil dénommé « Cachatou Maggy », consistant en une boîte à formes ayant l’aspect d’une vache (CA Paris, pôle 5, 2e ch., 5 nov. 2010, Sadas SAS c. Djeco SARL, 09/01867 ; D20100213). Les juges du fond ont relevé qu’un tel jouet avait pour objet d'éveiller l'enfant en bas âge à la reconnaissance des formes, en l'amenant à insérer dans la boîte les accessoires aux formes multiples par les ouvertures adaptées. Ayant constaté qu’il était constant que la boîte à formes « constitue un référentiel dans l'industrie du jouet pour enfant en bas-âge, décliné depuis plusieurs décennies, et qu'à l'instar d'un grand nombre de jouets pour enfants de 0 à 3 ans, il emprunte à l'univers de la faune et de la flore et plus particulièrement reproduit des formes animalières, se caractérise par des couleurs vives attirant l'œil de l'enfant et comporte des accessoires reprenant les figures géométriques classiques », ils ont cependant retenu qu’aucun des modèles fournis aux débats par la société poursuivie ne comportait, dans une même composition, l’ensemble des caractéristiques revendiquées. Ils ont ajouté que « la spécificité du jouet en cause […] ne conduit pas nécessairement son concepteur à choisir de répartir les ouvertures sur diverses faces du jouet, comme c'est le cas en l'espèce sur les faces latérales et la face du dessus et à prévoir, s'agissant de la face du dessus amovible pour permettre la récupération des accessoires insérés, la forme d'une trappe basculante plutôt que celle d'un couvercle séparable ; qu'en outre, le nombre et la forme des accessoires ne sont nullement imposés au créateur de ce type de jouet ». La contrefaçon a été déclarée caractérisée par la reprise, d’une part, de la forme générale du jouet et des pièces qui le composent et d’autre part, d'une combinaison de couleurs de même tons et pareillement vives, peu important les différences insignifiantes tenant aux dimensions de l'objet et de ses accessoires, à la répartition des couleurs sur le corps de l'objet et à l’ajout de détails picturaux sur la tête de la vache.
À l’occasion de l’action en contrefaçon des droits d’auteur, du modèle et des marques relatifs au jeu dit « Puissance 4 », consistant en une grille de plastique percée de rangées verticales de trous, et des jetons à insérer, un tribunal a retenu que « le titre I du CPI permet de protéger tout autant la forme du jeu qui est un aspect des éléments du jeu lui-même que ses seules règles. En effet, la combinaison de composants nouveaux tels que l'aménagement de la grille sur le plan vertical modifie l'espace de jeu traditionnel tel qu'envisagé dans des jeux comme le morpion. De même, la forme des pions, leur couleur, peuvent modifier l'impression d'ensemble du jeu qui se combine à la règle et au nombre de joueurs, ainsi le jeu opposé "the board" datant de 1986 n'est-il prévu que pour un joueur, sans transparence des réceptacles des billes », puis a conclu que c’était la combinaison de ces éléments qui permettait au jeu d’être protégé comme œuvre de l’esprit (TGI Paris, 3e ch., 3e sect., 4 mars 2009, Hasbro International Inc. et al. c. Eurogift SARL, 06/16550 ; M20090143). Bien que le jeu "Force 4" incriminé reproduise exactement les règles du jeu "Puissance 4" et sa combinaison d'éléments protégés, la société demanderesse a été déboutée de sa demande en contrefaçon sur le fondement du droit d’auteur, faute d’avoir pu prouver sa qualité de cessionnaire. Sa demande sur le fondement du droit des dessins et modèles a été en revanche accueillie, le jeu incriminé produisant sur l’observateur averti une impression d’ensemble similaire. Il a été jugé que la société défenderesse ne pouvait tirer argument de la présence sur le marché d’autres produits ressemblants.
Un jouet à caractère pédagogique se présentant sous la forme de structures de formes complexes, constituées de tiges métalliques courbées, le long desquelles l’utilisateur peut faire circuler des billes colorées, dit « Roller coaster », a été jugé protégeable au titre du droit d’auteur. Ainsi, un arrêt infirmatif a dit que « si le concept qui consiste à détourner la fonction du boulier classique qui servait à enseigner les éléments du calcul, pour utiliser à des fins pédagogiques, ludiques et thérapeutiques des petites billes et des petits blocs de bois coulissant sur des structures métalliques, est tombé dans le domaine public , il n'en reste pas moins qu'à la date de sa création le "roller coaster" était marqué d'une originalité certaine » (CA Grenoble, 1re ch. civ., 30 oct. 2007, Marcel G c. Jouet Online et al., 04/01197, D20070217 ; rejet du pourvoi formé sur la seule question de la titularité : Cass, 1re ch. civ., 22 janv. 2009, F/08/10364, D20090002). Il a estimé que l’auteur, qui avait fait un effort créatif manifeste, avait réalisé un produit « qui ne répondait pas à des exigences techniques ou à la simple mise en œuvre du concept, mais obéissait à un choix personnalisé et à un parti pris d'ordre décoratif dans le but de rendre le jouet attractif pour ses jeunes utilisateurs ». Sur la contrefaçon, l’arrêt a dit que le jeu litigieux était « la reproduction à l'identique aussi bien des formes et de la fixation des tiges métalliques, que des couleurs des tiges et des boules du "roller coaster" » (voir également dans le même sens : CA Paris, 4e ch., sect. B, 24 mars 2006, La Grande Récré GIE c. Marcel G et al., 04/05641 ; D20060044).
Quelques décisions sur les jeux pédagogiques ne concernent que la contrefaçon sans aborder la question de la protection ou de la validité.
Ainsi dans une affaire, la demande en contrefaçon concernant un modèle communautaire de jouet consistant en un établi de bricolage a été accueillie. Une cour d’appel a estimé qu’il convenait « d’identifier les caractéristiques protégées telles que déterminées par la photographie du modèle contenue dans le dépôt, puis de rechercher si elles figurent en tout ou partie dans le produit argué de contrefaçon (en tenant compte du fait que s'agissant de jouets, la liberté du créateur reste importante) au point de susciter pour l'utilisateur averti la même impression visuelle, quelles que soient par ailleurs les différences entre les produits, notamment de qualité, de matière, de couleur ou de destination, sans avoir à rechercher l'éventualité d'un risque de confusion, inopérant en matière de dessins ou modèles », avant de conclure que les modèles en litige produisaient sur l’utilisateur averti - qui, s’agissant de jouets, est le grand public et les enfants - la même impression visuelle (CA Paris, pôle 5, 1re ch., 26 janv. 2016, Smoby Toys SAS c. Splash-Toys et al., 15/00320 ; D20160007 ; PIBD 2016, 1045, III-214 ; rendue après cassation partielle sur la recevabilité de la demande en contrefaçon du modèle communautaire Cass. com., 25 nov. 2014, D/13/15166, D20140232, PIBD 2015, 1019, III-35, Propr. industr., févr. 2015, p. 39, note de J.-P. Gasnier).
Une autre affaire concernait la demande en contrefaçon du jeu dénommé « Math et Magic », consistant en des cartes à jouer comportant chacune un chiffre auquel est associée une couleur, sur le fondement du droit d’auteur. Un arrêt infirmatif a rejeté cette demande en estimant qu’il résultait de la description des jeux en cause une absence d’imitation, le jeu incriminé comportant des « éléments supplémentaires (plateau de jeu et pions, mémorisation des pions retournés puis recachés) permettant de le faire fonctionner et d'exclure toutes ressemblances contrefaisantes » (CA Aix-en-Provence, 2e ch, 11 oct. 2012, Alain A et al. c. Christophe P, 11/07014 ; D20120156). Il a rajouté qu’il n'existait pas davantage d'imitation de la mascotte du jeu (garçon dessiné comme un pantin désarticulé pour l’un et garçon dessiné avec un énorme sourire montrant ses dents et un chapeau pour l’autre).
Enfin, dans une décision plus ancienne portant sur puzzle en bois peint représentant un dragon, dénommé « dragon des couleurs », les juges du fond ont fait droit à la demande en contrefaçon sur le fondement du droit d’auteur et du droit des dessins et modèles (TGI Paris, 3e ch., 2e sect., 8 déc. 2006, Jacqueline A et al. c. Merlin GmbH et al., 05/08848 ; D20060185). Ils ont estimé que le jeu litigieux présentait les mêmes caractéristiques de forme, de couleurs et de dimensions que le produit revendiqué, avec d’infimes différences tenant à la pointe de la queue et à la tête du dragon.
Sylvie Lepoutre
Rédactrice au PIBD
1Le panorama de jurisprudence concerne exclusivement les jeux pédagogiques à destination des enfants, sur les quinze dernières années. Ne sont pas répertoriés les jeux suivants : parties de jeux électroniques (manettes, consoles), tablettes électroniques, peluches, voitures miniatures, toupies, jeux en extérieur (tobbogans, balançoires…).
2Sur l’atteinte au droit moral du concepteur d’un jeu de cartes pour adultes composé d’illustrations de pin-ups, voir : TGI Paris, 3e ch., 3e sect., 25 juin 2008, Hubert L et al. c. Hachette Livre SA, 06/02467 ; D20080096.