Par Julie Hervé, conseillère régionale INPI pour la Chine1
Le 27 janvier 2021, l’administration chinoise de propriété intellectuelle (CNIPA) a annoncé une réglementation plus stricte des comportements en matière de demandes de brevets. Cette réglementation, qui s’inscrit dans l’objectif politique de faire de la Chine un grand pays de propriété intellectuelle, vise à « sévir contre les comportements anormaux » en matière de dépôts, de manière à « améliorer la qualité des demandes de brevets ».
Parmi les mesures prévues pour atteindre cet objectif, la CNIPA a annoncé un ajustement des politiques incitatives, et notamment des subventions publiques en la matière. À compter de la fin du mois de juin 2021, les gouvernements locaux ne pourront ainsi plus fournir de soutien financier aux déposants de brevets à l’étape du dépôt, qu’il s’agisse de subventions ou d’autres formes d’incitations. L’octroi de financements locaux éventuels ne pourra intervenir qu’à la délivrance des brevets (en Chine ou à l’étranger), et leur montant ne pourra excéder 50 % des taxes nécessaires à l’obtention d’une protection. Ces mécanismes de financement devront cependant être totalement supprimés d’ici 2025.
La publication de cette notice, deux semaines seulement après la divulgation par l’office américain de propriété intellectuelle (USPTO) d’un rapport2 sur l’impact des subventions publiques sur les dépôts de marques et brevets chinois, interroge. Si elle est cohérente avec l’emphase mise sur l’importance du développement d’une propriété intellectuelle qualitative plus que quantitative dans les récentes annonces chinoises, elle laisse à penser que l’étude américaine pourrait avoir accéléré le mouvement.
Ce durcissement des politiques incitatives au dépôt de brevets par les autorités chinoises pourrait avoir un impact non négligeable sur les chiffres de dépôts en Chine et dans le monde. Le pays, qui est aujourd’hui le plus gros déposant au monde, a déjà vu ses statistiques de dépôts de brevets à la baisse en 2019 (une première depuis 24 ans), ce qui pouvait déjà être attribué à une diminution des mécanismes de subventions. L’impact de leur suppression à venir sur les statistiques des prochains mois et années sera certainement riche en enseignements quant aux motivations réelles des déposants chinois.
1 julie.herve@dgtresor.gouv.fr. Le service « réseau international » de l’INPI (dix agents couvrant une centaine de pays) met en œuvre les actions de coopération internationale en collaboration avec ses partenaires, institutionnels et privés. Il accompagne les entreprises à l’export en lien avec la Direction générale du Trésor et assure également la coordination des actions du Comité national anti-contrefaçon (CNAC).
2Voir PIBD 2020, 1153, IV-1.