Doctrine et analyses
Comptes rendus

Quelles solutions pour protéger l'aménagement de votre magasin ?

PIBD 1159-II-1

d’après l’article de Nina Dorenbosch* : Protecting your shop interior: what are the options?, in EIPR, (42), 12, décembre 2020, p. 828-832

Texte

Une apparence originale peut être un atout commercial pour un magasin et un moyen pour les clients de reconnaître une marque sans même un regard à l’enseigne. À travers la jurisprudence des Pays-Bas et de la CJUE, Nina Dorenbosch se penche sur les solutions qui s’offrent pour protéger l’agencement d’un espace de vente.

En 2010, Apple a obtenu aux États-Unis l’enregistrement d’une marque tridimensionnelle consistant en la représentation, par un dessin, de ses magasins amiraux. Apple a ensuite, non sans mal, obtenu d’autres marques dans certains pays. La CJUE1 a, à cette occasion, indiqué qu’une telle représentation était susceptible de constituer une marque et qu’elle pouvait être propre à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises. Démontrer l’existence d’un caractère distinctif – le cas échéant, acquis par l’usage – risque cependant de ne pas être chose aisée. Apple n’a d’ailleurs pas obtenu de marque dans tous les pays visés et la jurisprudence de l’EUIPO révèle que l’obtention de la protection pour l’aménagement d’un espace de vente demeure quasi impossible.

La voie du droit des marques est tentante (protection forte, durée potentiellement illimitée) mais, on vient de le voir, peu praticable en Europe. Quelles sont les autres possibilités ?

Une affaire jugée aux Pays-Bas2 montre que le droit d’auteur peut être invoqué avec succès. La chaîne de magasins de chaussures haut de gamme Shoebaloo fait appel à un cabinet renommé d’architecture et de design pour « signer » pour chaque nouveau magasin. L’agencement mural des boutiques d’Amsterdam et de Maastricht est inspiré du canyon de l’Antilope aux États-Unis. Shoebaloo a poursuivi en contrefaçon une entreprise belge ayant adopté un design similaire pour son magasin de chaussures d’Anvers. Le design du demandeur a été jugé original et contrefait. L’auteure rappelle que le droit d’auteur présente l’avantage de l’absence de formalités de dépôt et précise qu’aux Pays-Bas, l’éventualité d’une injonction transfrontalière est également intéressante. En ce qui concerne les points de vigilance, il importe que le processus de création soit adéquatement documenté et que la question de la titularité ne soit pas négligée.

Quid de la concurrence déloyale ? Dans l’affaire Shoebaloo évoquée ci-dessus, le demandeur avait en outre invoqué le grief de copie servile. Le tribunal l’a certes écarté mais semble avoir opté pour une interprétation très restrictive. Qui plus est, le droit de la concurrence déloyale n’est pas harmonisé à l’échelle de l’Union européenne. La piste reste à explorer, avec un bénéfice susceptible de varier d’un pays à l’autre.

Un dessin ou modèle communautaire enregistré est certainement plus dissuasif que la perspective d’une action en contrefaçon de droit d’auteur ou en concurrence déloyale. L’auteure se fait l’écho du litige impliquant le portugais Parfois dont les six enregistrements attaqués ont été maintenus par l’EUIPO3. Sur la base d’une comparaison particulièrement détaillée avec des photographies de boutiques concurrentes fournies à l’appui de l’argument de défaut de nouveauté et de caractère individuel, il a été estimé que l’ensemble des différences concourait à une impression globale différente. Selon l’auteure, cette approche pourrait toutefois desservir les titulaires à l’heure de la défense des droits, notamment dans le cas de dessins et modèles représentés par des photographies. En effet, les différences de détail permettant d’établir une impression globale différente, donc la validité, pourraient aussi permettre d’établir une impression globale différente, donc l’absence de contrefaçon.

* Bird & Bird LLP, La Haye.
1 Affaire C-421/13.
2 MVSA et Shoebaloo. c. Invert, tribunal du district de La Haye (rechtbank Den Haag), ECLI:NL:RBDHA:2019:8166.
3 Affaires R2582/2017-3 et R2746/2017-3 à R2750/2017-3 (https://euipo.europa.eu/eSearchCLW/#basic).