Recevabilité de l’action en nullité partielle de la marque (oui) - Intérêt à agir - Situation de concurrence - Entrave à l’activité d’autrui
Validité de la marque semi-figurative (oui) - 1) Dépôt frauduleux (non) - Droit de l'UE - Entrave à l'exploitation du signe d'autrui - Intention de nuire - Volonté de conforter des droits 2) Caractère distinctif (oui) - Partie verbale générique - Partie figurative arbitraire
La mauvaise foi de la société poursuivie, au jour du dépôt de la marque semi-figurative vente-privee, n’est pas démontrée. Cette marque, déposée pour distinguer divers services relevant de la classe 35, tels que les services de promotion des ventes pour le compte de tiers, n’est pas constituée de la seule expression générique « vente privee » mais comporte également le dessin d'un papillon stylisé de couleur rose. Le concept de ventes privées sur Internet ne connaissait pas de développement significatif avant son introduction en 2001 par la société déposante. Au jour du dépôt de la marque, cette société, qui détient la position de leader du secteur des ventes événementielles, utilisait largement et de manière continue sur son site internet, l'expression « vente-privée.com » ou « vente-privee » accompagnée d’un ou plusieurs dessins stylisés de papillon de couleur rose, pour désigner les services précités. Il en résulte qu’elle avait un intérêt légitime à déposer la marque afin de préserver ses droits, en raison de l'usage continu qu'elle faisait de son signe. En outre, elle n'a pas procédé à ce dépôt pour nuire à ses concurrents en les privant d'un signe nécessaire à leur activité, d’autant que le dépôt de la marque ne leur interdit pas d'utiliser l'expression litigieuse dans son sens usuel.
La marque semi-figurative est distinctive. L'expression « vente privée » est générique pour désigner les services précités et son orthographe, qui renvoie à l'écriture des noms de domaine, ne lui confère pas davantage de caractère distinctif. Cependant, l'adjonction d'un papillon stylisé de couleur rose, qui ne peut être réduit à un élément décoratif, participe à la distinctivité du signe pris dans son ensemble, la représentation de ce papillon étant parfaitement arbitraire eu égard aux services précités. Aussi, l'association des parties verbale et figurative sera perçue par le public comme apte à identifier les services en cause.
Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 17 septembre 2021, 19/20427 (M20210204)1
Vente-privee.com SA c. Showroomprive.com SARLU
(Infirmation TGI Paris, 3e ch., 1re sect., 3 oct. 2019, 16/11737 ; www.legalis.net ; Propr. industr., déc. 2019, comm. 64 de P. Tréfigny)
1 La question de la validité de la marque verbale VENTE-PRIVEE.COM n° 3623085 a également été portée devant les tribunaux, tant en ce qui concerne son caractère distinctif (intrinsèque ou acquis par l’usage), que le caractère frauduleux de son dépôt. Ainsi, une cour d’appel (CA Paris, pôle 5, 1re ch., 31 mars 2015, Vente-privee.com c. Showroomprive.com, 13/23127 (M20150126 ; PIBD 2015, 1028, III-390 ; RLDI, 115, mai 2015, p. 24, note de L Costes ; Gaz. Pal., 193-197, 12-16 juill. 2015, p. 19, note de L Marino ; Propr. industr., mai 2015, p. 29, note de P Tréfigny ; L'Essentiel, juin 2015, p. 5, note de J-P Clavier ; Propr. intell., 56, juill. 2015, p. 308, note d'A Bouvel ; Gaz. Pal., 357-358, 23-24 déc. 2015, p. 21, note de R Wallemant ; RTD com, oct.-déc. 2015, p. 710, note de J Azéma ; LPA, 255, 22 déc.2016, p. 22, note ; D, 2016, p. 396, obs. C. Zolynski). TGI Paris, 3e ch., 1re sect., 28 nov. 2013, Showroomprive.com c. Vente-privee.com, 12/12856 (M20130841 ; PIBD 2014, 1002, III-250 ; Propr. intell., 51, avr. 2014, p. 185, note d'A Bouvel ; D, 2015, p. 230, obs. J.-P. Clavier ; Légipresse 2014, p. 12) a jugé qu’elle était dépourvue de caractère distinctif à la date de son dépôt, en 2009, compte tenu de son caractère usuel et descriptif au regard des services en cause, mais qu’elle avait acquis par l'usage un caractère distinctif au regard de ces services. Elle a tenu compte de l'usage qui en a été fait après son enregistrement, la preuve étant rapportée d'un usage continu, intense et de longue durée du signe à titre de marque. La Cour de cassation (Cass. com., 6 déc. 2016, Showroomprive.com c. Vente-privee.com, 15/19048 (M20160599 ; PIBD 2017, 1064, III-44 ; Légipresse, 345, janv. 2017, p. 13 et p. 88, étude Y. Basire et P. Darnand ; RLDI, 133, janv. 2017, p. 18, note de L Costes ; D. IP/IT, janv. 2017, p. 4, note ; Gaz. Pal., 6, 7 févr. 2017, p. 25, note de L Marino ; D. IP/IT, avr. 2017, p. 226, note de C Le Goffic ; Propr. intell., 63, avr. 2017, p. 64, note de J Canlorbe ; RTD com, 2, avr.-juin 2017, p. 339, note de J Azéma ; Europe, juill. 2017, p. 15, note de L Leblond ; LPA, 58, 21 mars 2018, p. 11, note de P Mozas ; D., 2017, 318, obs. J C. Zolynski ; RTD eur., 2017 p. 336-24, obs. A. Quiquerez) a rejeté le pourvoi dirigé contre cette décision et validé cette prise en compte de l’usage de la marque effectué postérieurement à son enregistrement. En ce qui concerne le caractère frauduleux du dépôt, la cour d’appel a jugé (comme dans la présente affaire à propos de la marque semi-figurative n° 4055655), que le titulaire de la marque avait un intérêt légitime à protéger le signe qu'il exploitait depuis plusieurs années avec succès et que le dépôt de la marque, laquelle n'avait acquis sa distinctivité par l'usage que prise dans son ensemble, n'interdisait pas à des concurrents d'utiliser l'expression « vente privée » dans son sens courant.