Demande en nullité de la saisie-contrefaçon - Compétence du juge du fond (oui) - Conditions de délivrance de l’ordonnance - Validité de la saisie-contrefaçon (non) - Informations données au juge des requêtes - Procédure d’opposition antérieure - Principe de loyauté dans l’administration de la preuve
Contrefaçon des marques figuratives (non) - Atteinte aux marques de renommée (non) - Famille de marques - Marque de position - Différences visuelles - Impression d'ensemble différente - Risque de confusion ou d'association - Appréciation globale - Marques notoires
Concurrence déloyale (non) - Imitation des marques - Apposition similaire sur le produit - Risque de confusion - Parasitisme (non) - Volonté de profiter de la notoriété du produit - Qualité inférieure - Vente à prix inférieur
Procédure abusive - Action en contrefaçon - Légèreté blâmable (non) - Saisie-contrefaçon - Présentation déloyale de la requête
En vertu des dispositions des articles 496 et 497 du Code de procédure civile, les contestations formées à l'encontre des requêtes aux fins de saisie-contrefaçon relèvent exclusivement du recours en rétractation, lequel est exercé devant le juge ayant rendu l'ordonnance autorisant cette mesure. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le juge du fond, appréciant la régularité des éléments de preuve qui lui sont soumis, puisse annuler un procès-verbal de saisie-contrefaçon pour des motifs tirés des conditions de délivrance de l'ordonnance sur requête ayant autorisé la saisie-contrefaçon. En l’espèce, ces conditions ont été affectées d'un manquement au devoir de loyauté qui préside à l'administration de la preuve en justice. La société requérante a en effet omis d’informer le juge des requêtes de l’existence des procédures d'opposition à l'enregistrement des marques française et de l'Union européenne couvrant le même signe figuratif que celui contesté dans le litige en contrefaçon. Les instances administratives[1] ont décidé que ce signe ne constituait pas l'imitation des marques de la requérante. Même si la décision administrative en matière d'opposition ne lie pas le juge saisi d'une demande en contrefaçon, la requérante devait présenter, au soutien de sa requête, l'ensemble des faits objectifs de nature à permettre au juge d'exercer pleinement son pouvoir d'appréciation des circonstances de la cause. Les procès-verbaux de saisie-contrefaçon doivent donc être annulés.
La société demanderesse invoque trois marques figuratives désignant les chaussures et constituées d'une bande courbe dont la base évasée se prolonge en se rétrécissant. L'une d'elle est, selon la représentation figurant à l'enregistrement, apposée sur le côté latéral d’une chaussure. La demanderesse estime qu'elles appartiennent à une même famille de marques. Si le signe contesté, également apposé sur une chaussure, présente des caractéristiques communes avec les marques invoquées (une courbe ascendante oblique de bas en haut, évasée à la base et remontant vers l'arrière du talon), des différences sont immédiatement perceptibles et produisent des impressions d'ensemble radicalement distinctes, exclusives de tout risque de confusion ou d'association. Le consommateur d'attention moyenne ne pourra dès lors pas se méprendre sur la provenance ou l'origine des produits en estimant à tort que le signe contesté appartiendrait à la famille de marques invoquée. Les demandes fondées sur l'atteinte aux droits sur ces marques doivent donc être rejetées.
Cour d'appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 26 novembre 2021, 20/05827 (M20210283)[2]
Puma SE et Puma France SAS c. Carrefour Hypermarchés SAS
(Infirmation partielle TJ Paris, 3e ch., 3e sect., 7 févr. 2020, 17/13094)
[1] Deux arrêts de la cour d’appel de Paris ont rejeté les recours formés à l’encontre des décisions du directeur général de l’INPI ayant rejeté les oppositions à l’enregistrement de la marque française (CA Paris, pôle 5, 2e ch., 21 avril 2017, Puma SE c. INPI et Carrefour SA, 16/18211 (M20170208) ; 2016/18209 (M20170207)).
[2] Voir également les nombreux autres litiges en contrefaçon et concurrence déloyale qui ont été intentés par les sociétés Puma sur la base des marques internationales invoquées dans le présent litige : Cass. com., 18 oct. 2016, Puma France SAS et al. c. Meryl SARL et al., 15-14.523 (M20160464 ; PIBD 2016, 1061, III-913 ; Propr. industr., janv. 2017, p. 30, note de P. Tréfigny ; Propr. intell., 63, avr.2017, p. 66, note de J. Canlorbe) ; Cass. com., 8 juill . 2014, Puma SE et al. c. Sporazur Morris Sportswear et al., 13-16.714 (M20140375 ; PIBD 2014, 1012, III-689) ; Cass. crim., 8 févr. 2012, Puma France et al. c. Yue Hua Z, 11-80.399 (M20120132) ; CA Douai, 1re ch., 2e sect., 24 sept. 2009, Puma France SAS et al. c. Auchan France SA, 07/04352 (M20090454) ; CA Paris, 4e ch., sect. B, 26 sept. 2008, BSD 265 et al. c. Myk BVBA et al., 06/21946 (M20080519) ; CA Paris, 4e ch., sect. B, 16 mai 2008, Jeans Fetish SARL c. Puma AG Rudolf Dassler Sport et al., 07/07649 (M20080304) ; TGI Paris, 3e ch., 2e sect., 25 janv. 2008, Puma AG Rudolf Dassler Sport et al. c. Cora SAS et al., 03/04457 (M20080069) ; CA Reims, ch. civ., 1re sect., 22 oct. 2007, Puma AG et al. c. Sipan SA et al., 06/01632 (M20070737) ; CA Paris, 4e ch., sect. A, 26 sept. 2007, OHR SARL c. Me B et al., 06/13713 (M20070467) ; CA Paris, 4e ch., sect. A, 9 mai 2007, Puma AG Rudolf Dassler Sport et al. c. Chauss Europ SA et al., 06/05543 (M20070248) ; TGI Strasbourg, 1re ch. civ., 15 nov. 2006, Puma AG Rudolf Dassler Sport et al. c. Linoba SA et al., 03/02533 (M20060703) ; CA Paris, 4e ch., sect. A, 5 avr. 2006, Toda SARL c. Puma AG Rudolf Dassler Sport et al., 05/08773 (M20060210) ; TGI Strasbourg, 1re ch. civ., 31 janv. 2005, Puma AG Rudolf Dassler Sport et al. c. Compagnie européenne de la chaussure SA, 03/02480 (M20050050). En matière de mesures provisoires : CA Colmar, 1re ch. civ., sect. A, 7 mars 2006, Puma AG Rudolf Dassler Sport c. VGM SAS, 03/02370 (M20060706).
N.B. : Toutes les décisions de justice citées peuvent être consultées, à l’aide notamment de leur référence (ex : M20120132), sur la base de jurisprudence de l'INPI qui est accessible via l'onglet « BASE DE JURISPRUDENCE ».