Jurisprudence
Marques

Rejet de la demande d’enregistrement de la marque verbale NORMINDIA pour désigner les boissons alcoolisées - Atteinte à des IGP et risque de tromperie sur la provenance géographique

PIBD 1175-III-5
CA Paris, 17 décembre 2021

Demande d’enregistrement d’une marque verbale - 1) Utilisation légalement interdite (oui) - Droit de l’UE - Atteinte aux droits sur les IGP - Imitation ou évocation des IGP - Produits comparables - Similitude visuelle, phonétique et intellectuelle - 2) Caractère déceptif (oui) - Provenance géographique

Texte
Demande d’enregistrement n° 4 316 921 de la société Domaine du Coquerel
Texte

Le signe verbal « NORMINDIA » ne peut être enregistré à titre de marque pour désigner les boissons alcoolisées.

Il porte atteinte aux droits conférés aux IGP antérieures « Cidre de Normandie », « Cidre Normand », « Eau-de-vie de Normandie », « Eau-de-vie de poiré de Normandie » et « Pommeau de Normandie ». Les articles 16 du règlement (UE) n° 110/2008 relatif aux boissons spiritueuses et 13 du règlement (UE) n° 1151/2012 relatif aux denrées alimentaires disposent en effet que les IGP sont protégées contre « toute utilisation directe ou indirecte par des produits non couverts par l'enregistrement » lorsque ces produits sont « comparables » à ceux enregistrés. En l’espèce, les eaux-de-vie, pommeau et cidres bénéficiant des IGP sont comparables aux boissons alcoolisées visées par la marque demandée, dans lesquelles ils sont inclus. Le signe « NORMINDIA » présente une forte similitude, tant visuelle et phonétique qu'intellectuelle, avec la Normandie et constitue une imitation, ou à tout le moins une évocation, de cette région française, à laquelle se réfèrent les IGP en cause.

Le signe NORMINDIA est également de nature à tromper le public sur la provenance géographique des produits au sens de l'article L. 711-3 du CPI dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019[1], alors qu'il peut être appliqué à des produits d'une toute autre provenance géographique que la Normandie.

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 17 décembre 2021, 21/01247 (M20210307)[2]
Domaine du Coquerel SAS c. INPI
(Rejet recours c. décision INPI, 14 déc. 2020)

[1] Depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, qui a transposé, en droit français, la directive (UE) 2015/2436 du 16 décembre 2015, l’atteinte à une IGP est expressément mentionnée comme un motif absolu (article L. 711-2, 9° du CPI) ou relatif (article L. 711-3, I, 5° du CPI) de nullité ou de refus d’enregistrement d’une marque.

[2] Des signes portant atteinte à une IGP ou une AOC ont été annulés ou refusés à l’enregistrement dans deux affaires récentes, notamment sur le fondement de l’article L. 711-3 b) et c) du CPI, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019. Ainsi, la cour d’appel de Paris (pôle 5, 1re ch., 16 mars 2021, Swinkels Family Brewers NV c. Bayerischer Brauerbund EV, 20/12991 ; M20210072 ; PIBD 2021, 1160, III-5) a annulé la marque 8.6 Gold Bavaria en ce qu’elle désigne notamment les bières, pour atteinte aux droits conférés par l’IGP Bayerisches Bier dont elle constitue, au sens de l'article 13, § 1, b) du règlement (UE) n° 1151/2012, une évocation du fait de la présence du terme « Bavaria ». Elle a notamment estimé que le consommateur serait amené à supposer que le produit concerné vient de la Bavière ou qu'il est produit en utilisant les méthodes de brassage bavaroises et qu'il possède les caractéristiques requises pour bénéficier de l'IGP. La cour d’appel de Lyon a quant à elle jugé que le signe verbal Bergeron, qui évoque l’AOC « Vin de Savoie Chignin-Bergeron », ne pouvait être adopté comme marque pour désigner les « boissons alcoolisées (à l’exception des bières) ; digestifs (alcools et liqueurs) ; vins ; spiritueux ; vins d’appellation d’origine protégée ; vins à indication géographique protégée » (1re ch. civ. A, 28 juill. 2016, Perceval Pascal SARL c. INPI, 16/00602 ; M20160370 ; PIBD 2016, 1062, III-957, avec une note de C. Martin). L'article L. 643-1 al. 2 du Code rural dispose en effet que le nom qui constitue l'appellation d'origine ou toute autre mention l'évoquant ne peuvent être employés pour aucun produit similaire.