d’après l’article de Tony Chang* : AI is not an inventor, Taiwan’s IPC court rules, in MIP, 20 janvier 2022
À la question de savoir si une intelligence artificielle pouvait être désignée comme inventeur dans une demande de brevet, le tribunal du commerce et de la propriété intellectuelle de Taïwan a clairement répondu par la négative.
Dans une décision du 19 août 2021, le tribunal du commerce et de la propriété intellectuelle a confirmé la décision de l’Office taïwanais de la propriété intellectuelle de rejeter une demande de brevet déposée par Stephen Thaler dans laquelle l’inventeur désigné était DABUS, un système d’IA développé par l’équipe de S. Thaler.
Le tribunal a tout d’abord cité les directives d’examen des brevets selon lesquelles un inventeur doit être un être humain soit, en langage juridique, une personne physique. Par ailleurs, le règlement d’exécution de la loi sur les brevets exige que soient mentionnés dans la demande de brevet le nom et la nationalité de l’inventeur.
Le tribunal rappelle également l’intention du législateur : le système des brevets a pour objectif d’encourager et de protéger les fruits de l’activité mentale humaine. Or, une intelligence artificielle n’est pas un être humain mais une « chose » qui ne peut détenir un droit mais seulement en être l’objet.
L'auteur soulève un point intéressant : selon le droit d’auteur taïwanais, l’auteur peut être une personne morale. En droit des brevets en revanche, une personne morale ne peut être qualifiée d’inventeur puisqu’elle n’est pas un être humain. Or, la protection des dessins et modèles est assurée par la loi sur les brevets (brevets de modèle). Les modèles pouvant être également protégés par le droit d’auteur, une personne morale ayant créé un modèle peut être reconnue comme auteur mais ne pourra pas être désignée comme inventeur. Il y a là comme une contradiction qui a été relevée par les conseils de Stephen Thaler qui ont demandé pourquoi le droit des brevets n’acceptait pas les inventeurs non humains alors que le droit d’auteur acceptait les créateurs non humains. Le tribunal a fait le choix de ne pas considérer cet argument, peut-être parce que l'on pouvait en conclure au mieux qu’une personne morale pouvait être désignée comme inventeur. Or, une intelligence artificielle n’est pas une personne morale.
L’auteur a apprécié le fait que Stephen Thaler ait joué cartes sur table en révélant qu’il s’agissait d’une invention de DABUS qui était une intelligence artificielle et que DABUS était le seul inventeur. Dans une demande de brevet en effet, les informations requises par l’Office se limitent au nom de l’inventeur, sa nationalité et son nom transcrit en chinois. On peut donc imaginer qu’une intelligence artificielle dont l’identité serait tue puisse être prise pour un inventeur humain, surtout si le nom choisi le suggère. La pierre d’achoppement viendrait alors de la nationalité : une intelligence artificielle peut-elle avoir une nationalité, à l’instar des navires, par exemple ? Dans la demande taïwanaise, DABUS a été qualifié d’apatride, ce qui peut éveiller les soupçons de l’examinateur.
L’auteur en conclut qu’en l’état actuel des choses, une intelligence artificielle aura du mal à être désignée comme inventeur. Elle peut cependant réussir l’examen administratif en se faisant passer pour un inventeur humain. Il y a là peut-être matière à réflexion avant de décider si oui ou non une intelligence artificielle peut être désignée comme un inventeur.
* Patent Attorney, Saint Island International Patent & Law Offices.
Les opinions exprimées dans les articles cités n’engagent que leurs auteurs et ne représentent pas la position de l’INPI.