Jurisprudence
Marques

Nullité de la marque LLBA Professional Lash lounge by Ann pour dépôt de mauvaise foi et atteinte au nom commercial LLBA IN FRENCH

PIBD 1185-III-6
Décision INPI, 21 mars 2022

Validité de la marque verbale (non) - 1) Dépôt de mauvaise foi (oui) - Droit de l'UE - Connaissance de l'usage antérieur - Intention de nuire - Détournement du droit des marques - 2) Droits antérieurs - Atteinte au nom commercial (oui) - Signe connu sur l'ensemble du territoire national - Risque de confusion - Similitude visuelle et phonétique - Atteinte au nom de domaine (non) - Preuve non rapportée d'une exploitation sur le territoire national

Texte
Marque n° 4 750 770 de M. P
Texte

La marque LLBA Professional Lash lounge by Ann est déclarée nulle pour dépôt de mauvaise foi.

Si l’identité ou la similarité des signes ne suffit pas, en soi, à démontrer une mauvaise foi, elle peut s’avérer importante pour l’apprécier. Au moyen de différentes factures, d’un constat d’huissier ou d’extraits de sites internet, le demandeur a démontré l’usage antérieur des signes LASH LOUNGE BY ANN, LLBA, LLBA PROFESSIONAL et LLBA IN FRENCH, notamment dans ses noms de domaine et son nom commercial. La marque contestée présente de fortes similitudes avec ces signes.

Son titulaire ne pouvait ignorer, à la date du dépôt, l’usage antérieur des signes. En effet, ceux-ci étaient exploités publiquement, pour partie sur le territoire français, et les parties au litige exerçaient une activité concurrente dans le secteur très restreint de la vente de produits de traitement, de soins et de pose de faux cils. En tout état de cause, la reprise dans la marque des éléments distinctifs LLBA et LASH LOUNGE BY ANN ne saurait être qualifiée de fortuite.

Enfin, le titulaire de la marque s’est rapproché du demandeur en lui indiquant qu’il ne disposait d’aucun droit de vendre ses produits sous sa marque et a fait pression sur ce dernier afin de trouver un accord financier pour éviter des poursuites judiciaires. Par ailleurs, le titulaire ne justifie d’aucune exploitation de cette marque, ni d’aucune intention de l’utiliser. Il en résulte qu’il a agi sciemment au mépris des intérêts du demandeur en vue de lui fermer le marché de la vente de cosmétiques. Dés lors, la marque a été déposée à des fins autres que celles relevant des fonctions d’une marque.

La marque contestée porte également atteinte au droit antérieur du demandeur sur son nom commercial LLBA IN FRENCH.

Celui-ci a fait l’objet d’une exploitation pour la « vente de cosmétiques », sur le territoire français, antérieurement au dépôt de la marque contestée. Certains des produits et services de la marque sont identiques ou similaires à cette activité. Les signes font apparaître des ressemblances visuelles et phonétiques moyennes, renforcées par la prise en compte des éléments distinctifs et dominants des signes, le public étant incité à poter essentiellement son attention sur le sigle LLBA commun placé en attaque, parfaitement distinctif au regard des produits et services en cause. Il existe donc un risque de confusion entre les signes.

Le demandeur invoquait également un droit antérieur sur le nom de domaine llbaprofessional.com. Toutefois, les pièces transmises ne fournissent pas d'information quant à son exploitation. Notamment, il ressort du constat d’huissier versé aux débats que le site correspondant à ce nom de domaine est exploité en langue anglaise avec des prix pratiqués en dollars, de sorte qu’aucun élément ne permet d’affirmer que ce dernier est directement exploité sur le territoire français.

De plus, lorsqu’un internaute décide de choisir le pays : « Canada/EU (FR) », sur le site llbaprofessional.com, une redirection s’effectue vers un nom de domaine différent exploité en France. Ceci ne permet pas de justifier d’un usage en France du nom de domaine invoqué.

Décision INPI, 21 mars 2022, NL 21-0206 (NL20210206)
11177753 Canada Corporation c. M. P