Action en nullité de la clause du contrat de cession des droits de propriété intellectuelle concernant la fixation du prix - Prescription (oui) - Point de départ du délai
Contrat de cession des droits de propriété intellectuelle - Révision du prix (non) - Prévision insuffisante des produits de l’œuvre - Étendue des droits cédés - Rémunération forfaitaire
Contrefaçon sur le fondement du droit d'auteur (oui) - Exploitation au-delà des limites du contrat de cession - Modalités d'exploitation - Manque à gagner - Préjudice moral - Atteinte au droit moral (non) - Droit de paternité - Droit au respect de l'œuvre
Validité des marques semi-figuratives (oui) - Droit antérieur - Droit d'auteur
Les parties ont conclu en 1987 et 1988 deux contrats portant, le premier, sur la création d’une ligne de sacs de ville et le second, sur celle d’une collection de bouclerie et d’une ligne de sacs de voyage et de loisir. La rémunération était notamment fixée en pourcentage des ventes de sacs. Un troisième contrat, objet du litige, a été conclu en 1992, concernant le rachat par la société poursuivie de la redevance sous la forme d’une somme fixe représentant les droits de propriété et de jouissance attachés aux modèles de sacs et au concept de fermeture dit « LV tournant », en cas de réutilisation de ce concept sur de nouveaux modèles de sacs.
L’article 2 de la convention en cause concerne la rémunération globale et forfaitaire fixée pour la réutilisation, par la société poursuivie, du concept de fermeture sur de nouveaux modèles de sacs. La demande en révision du prix est rejetée, la preuve n’étant pas rapportée que la rémunération prévue relève d’une prévision insuffisante des produits générés par l’œuvre, au sens de l’article L. 131-5 du CPI. Il est expressément précisé dans l’article 2 de la convention que les énonciations s'appliquent en cas de réutilisation du concept de fermoir sur des sacs de ville ou de voyage et de loisir, et non sur tous produits. Il est également indiqué que la créatrice peut percevoir une somme fixe pour toute nouvelle ligne de sac. La rémunération correspond à un supplément de rémunération pour une nouvelle exploitation du fermoir sur des lignes de sacs n’ayant pas été créés par la créatrice. Le fermoir avait déjà été rémunéré dans le cadre des deux contrats antérieurs et de l'article 1 de la convention en litige. La possibilité pour la société poursuivie d'utiliser le fermoir sur d'autres sacs avait été utilisée en 2014 pour deux lignes de sacs. Il n'est pas justifié que cette réutilisation n'était pas prévisible lors de la conclusion du contrat en litige alors même qu'elle était expressément stipulée, ni que les produits aient connu un volume d'exploitation et un succès qui n'avaient pu être prévus. Ainsi, le seul fait que la réutilisation du fermoir se soit produite plus de vingt ans après la conclusion du contrat, alors même qu'aucun délai n'était prévu, ne suffit pas à établir une imprévisibilité des produits de l'œuvre alors qu'il n'est pas justifié d'une évolution des conditions économiques ayant affecté l'économie du contrat.
La convention en cause prévoit et autorise uniquement la cession des droits sur le fermoir « LV tournant » pour être utilisé sur de nouveaux modèles de sacs de ville ou sacs de voyage et de loisir. Dès lors, toute autre utilisation sur des portefeuilles, bracelets, chaussures, ceintures et porte-clés est contrefaisante à défaut d'accord de l'auteur. Toutefois, l’atteinte au droit moral de la créatrice n’est pas constituée. Cette dernière n'est pas la créatrice des chaussures, bijoux, portefeuilles et porte-clés vendus, mais seulement d'un accessoire. Or, il n'est pas dans les usages professionnels de mentionner le nom du créateur dans ces circonstances. Par ailleurs, la créatrice, qui ne peut se prévaloir d'une évaluation totalement subjective de la qualité des produits sur lesquels le mécanisme a été adjoint, n'apporte pas la preuve que son fermoir a été dénaturé et dégradé, en étant utilisé sur d'autres articles que des sacs.
Les marques semi-figuratives de la société poursuivie en deux dimensions constituées, pour l’une, des lettres LV et, pour l’autre, de la lettre V, sont valables. Leurs dépôts ne portent pas atteinte aux droits d’auteur de la créatrice sur le fermoir « LV tournant ». L'originalité de celui-ci réside essentiellement dans la mobilité des lettres permettant l'ouverture et la fermeture par un pivotement de celles-ci. Or, cette contribution de l’auteur n'apparaît pas dans les dépôts de marque. De plus, les lettres en cause font incontestablement partie du patrimoine incorporel de la société poursuivie et ce bien antérieurement à la création du fermoir. L'œuvre ne réside pas dans la seule figuration d'un L et d'un V constituant déjà une marque. Ainsi, le cœur de l'œuvre est une marque préexistante appartenant à la société poursuivie et portant les initiales de son fondateur. L’un des contrats, dont le contrat en litige est le prolongement, précisait d'ailleurs expressément que la ligne de bouclerie, dont le fermoir « LV tournant » est le point de départ, avait vocation à être utilisée sur divers lignes de produits, afin de constituer des signes de reconnaissance pour la clientèle, c'est-à-dire pour exercer la fonction de signe distinctif.
Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 11 mars 2022, 20/08972 (D20220022)
JJL Imbert SARL et Jocelyne I c. Louis Vuitton Malletier SA
(Confirmation partielle TJ Paris, 3e ch., 3e sect., 12 juin 2020, 15/10854)